Page:Revue des Romans (1839).djvu/249

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

matique que ces deux hommes réunis sous le même pavillon dans un but si différent, cherchant à se pénétrer sans se trahir eux-mêmes, et s’éprouvant tour à tour par les soupçons et la confiance : Wilder chargé d’un rôle plein de dangers, et poursuivi sans cesse par l’œil perçant du corsaire, devant lequel l’âme la plus cachée ne serait pas sûre d’être seule ; le corsaire inquiet d’avoir sur son vaisseau un homme qui a servi le roi, et dont le cœur est honnête, quelquefois se fiant à lui jusqu’à l’imprudence, quelquefois le soupçonnant jusqu’à l’injure, tous deux attirés l’un vers l’autre par une admiration mutuelle, mais se retirant brusquement en eux-mêmes, parce qu’un lien commun ne rapprochera jamais leurs âmes, la probité. Et quand tout se découvre, quand Wilder est reconnu, on respire à peine, à cette lutte violente du corsaire entre une longue habitude de punir et le besoin de s’égaler à son ennemi par un généreux pardon ; comme si à défaut de l’estime du monde, il voulait du moins emporter celle d’un homme de bien. Wilder est renvoyé libre à ses concitoyens ; il entendra vanter son courage, mais la générosité du corsaire n’expiera point sa vie, et personne au monde ne lui en saura gré. — Le Corsaire rouge est sans contredit le meilleur roman maritime de Cooper.

L’ÉCUMEUR DE MER, ou la Sorcière des eaux, 4 vol. in-12, 1831. — L’intrigue de ce roman a une assez grande ressemblance avec celle du Corsaire rouge ; c’est encore un mystérieux pirate qui trouve dans l’excellence de son vaisseau et dans son étonnante habileté, le moyen d’échapper à toutes les chasses, de rendre vaines toutes les recherches de la marine légale. La scène est presque toujours sur la mer, vis-à-vis de New-York, qui n’était pas alors la grande et belle capitale que les étrangers admirent aujourd’hui. Les événements qui font le sujet du roman ont eu lieu il y a un siècle, sous le règne de la reine Anne d’Angleterre, suzeraine de la naissante colonie. On y trouve plusieurs descriptions de combats, d’évolutions, de manœuvres navales, où Cooper a donné une preuve de ses talents bien connus comme officier de marine et comme auteur de romans maritimes.

LE BRAVO, histoire vénitienne, 4 vol. in-12, 1831. — Le Bravo a été inspiré par les eaux bleues de l’Adriatique, par les brises rafraîchissantes qu’on respire sur ses rivages, par un souvenir mélancolique de cette ville jadis si puissante, de cette ville aujourd’hui éplorée et déserte, où une sentinelle autrichienne veille au pied du lion de Saint-Marc. On sait que le gouvernement de Venise se servait de certains spadassins appelés bravi, pour se défaire de quelques ennemis trop puissants ou trop faibles pour qu’une lutte ouverte fût sûre ou nécessaire. Le Bravo de Cooper est un bravo qui ne tue point, mais qui consent à laisser commettre sous son