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n’a d’autre avantage que d’être parfaitement située pour la chasse. Pauline s’afflige, demande instamment à suivre son mari, ce qu’elle ne peut obtenir. À peine Beuzeval et ses deux amis sont-ils arrivés au château de Burcy que de fréquents et audacieux assassinats épouvantent la contrée ; chaque jour les feuilles de Paris répètent des articles effrayants empruntés aux journaux de la province, où sont rapportés les vols, les assassinats et les incendies dont les environs de Burcy sont le théâtre. Pauline inquiète prend le parti d’aller rejoindre son mari ; elle arrive au château de Burcy, où on était loin de l’attendre et surtout de la désirer, car les auteurs de tous les crimes qui épouvantent la contrée ne sont autres que son mari, Max et Henri. Toutefois, Beuzeval l’accueille avec amour. Une partie engagée pour les jours suivants force le comte à quitter sa femme le lendemain même de son arrivée ; il s’excuse de la laisser seule, et promet que dorénavant ces lointaines excursions ne se renouvelleront plus. Seule dans son château isolé, Pauline a peine à surmonter les craintes qui l’agitent ; son oreille, que l’effroi tient éveillée, est frappée de bruits de pas, de portes fermées ; elle a vu pendant la nuit la tête de son mari penchée au-dessus de son lit comme pour s’assurer qu’elle est endormie ; il n’est donc pas parti ; il se cache ; quel effrayant mystère ! Le hasard lui fait découvrir une porte secrète qui aboutit à un escalier dont l’existence lui est inconnue. Pauline a le courage de s’engager dans cet escalier, et après avoir descendu plusieurs étages, elle entend les voix de son mari et de ses amis. Elle avance vers le lieu d’où partent ces voix, et à travers les fentes d’une porte mal jointe, elle voit les trois amis à table, au milieu du désordre d’une orgie. Mais ils ne sont pas seuls ; dans le fond de la pièce, sur un mauvais lit, est étendue une femme, attachée par les quatre membres et demi-nue. Henri et Max se disputent à qui l’aura, et la querelle est sur le point de se vider à coups de poignard, lorsque le comte met les deux rivaux d’accord en envoyant adroitement une balle dans le cœur de la femme convoitée par les brigands. Pauline pousse un cri et s’évanouit. Elle se réveille dans un souterrain. Devant elle sont une lampe prête à s’éteindre, une lettre et un verre d’eau. Par la lettre, le comte apprend à sa femme qu’il l’adore, mais que, comme elle a surpris son secret, elle doit mourir. Tout ce qu’il peut faire pour elle, c’est de lui épargner les angoisses d’une longue agonie, et le verre d’eau empoisonnée qu’elle a devant elle, est le dernier gage de son amour. Pauline lutta deux jours contre la mort, et à la fin, vaincue par le désespoir et la souffrance, elle porta le poison à ses lèvres ; c’est alors que le jeune Alfred de Nerval eut le bonheur de la délivrer. Le monde la croyait morte ; le comte de Beuzeval avait eu l’adresse de faire