de belles actions pour plaire à une maîtresse, il ne compte parmi ses moyens de plaire ni grands coups d’épée, ni actes de bienfaisance, mais une grâce parfaite à danser, un persiflage aimable, piquant et même un peu tourmentant, de la légèreté, de l’étourderie, de la fatuité, juste ce qu’il faut d’insolence, un regard charmant, un son de voix qui va à l’âme et semblerait en partir, si on ne savait depuis longtemps qu’Albert n’a pas d’âme pour l’amour : voilà tout simplement ce qu’il possède pour enchanter et désoler les femmes. Il ne faut pas croire cependant qu’Albert soit un de ces conspirateurs en amour, un de ces séducteurs de profession, dont le plus grand plaisir est de tromper une femme, et le but principal de l’abandonner. Non, Albert cherche seulement à plaire quand on lui plaît, et s’éloigne quand le charme cesse d’agir sur ses sens. Mais tandis qu’un homme cherche à plaire, une femme cherche à aimer : quelque temps timide, craintive, si enfin l’amour rompt les barrières que lui opposait la prudence, c’est tout son cœur, tout son être qu’elle va dévouer au sentiment qui l’entraîne, et il se trouve qu’on n’en veut point, qu’elle a donné beaucoup plus qu’on n’avait jamais songé à en demander ; on n’est plus qu’embarrassé de son présent, et elle n’a pas la force de le reprendre. Telle est Louise auprès d’Albert ; mais, heureusement pour elle, elle ne s’est pas entièrement laissé vaincre ; elle n’a donné que son cœur ; une infidélité prématurée d’Albert l’a garantie du danger. L’amour-propre d’Albert, flatté de l’amour de Louise et piqué de sa résistance, le ramène à ses pieds ; elle le connaît maintenant, et n’en est que plus malheureuse, car elle ne l’en aime pas moins ; ce n’est plus l’espoir d’être aimée qui la séduit, mais le souvenir du bonheur qu’elle éprouva lorsqu’elle crut l’être. Ce sentiment, qui s’empara alors de son cœur, elle l’y retrouve tout entier ; chaque mot, chaque regard d’Albert le lui rappelle ; tous ses rêves, toutes ses illusions, se présentent à elle de nouveau avec la même vivacité ; elle sait que ce sont des rêves, et, sans confiance, elle s’y précipite, entraînée par un mouvement aussi douloureux qu’irrésistible. Mais est-elle bien réellement sans confiance ? Pourquoi Albert n’aimerait-il pas la douce, la tendre Louise, capable de mourir de ses trahisons, mais jamais de se fâcher, et à peine de se plaindre ? C’est que d’autres goûts viennent sans cesse interrompre le goût qu’il a pour elle, et le distraire du sentiment d’affection qu’elle lui inspire ; c’est qu’auprès de Louise, veuve et jeune, est une nièce plus jeune encore et aussi jolie, Valentine, qui a su, comme Louise, apprécier toute la grâce d’Albert au bal, et cette douceur, cette complaisance dans la vie habituelle, qui font pardonner sa fatuité et oublier sa légèreté. Valentine à seize
Page:Revue des Romans (1839).djvu/207
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.