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ciel, lui dit-elle, nous a concédé, pour une nuit seulement, une perfection de félicité que toutes les combinaisons humaines ne ramèneront jamais ; crois-moi, ne changeons pas notre morceau d’or en vile monnaie, bientôt il ne nous en resterait plus rien ! » Cette fausse intimité, moitié chaste et moitié passionnée, qui ne peut être quelque chose de plus qu’une liaison ordinaire qu’à condition d’être une gêne, un obstacle, dont on sent à chaque instant les inconvénients, et qui finit par n’être plus tenable, cause la mort de Mlle  de Liron. Quelques années après, Ernest se détermina à prendre le grand chemin de la vie, comme lui avait dit sa cousine, il se maria et fut raisonnablement heureux. — La lecture de ce roman est extrêmement attachante ; les personnages y ont une vie et une vérité qui font illusion. Ce sont des personnes que l’on a rencontrées, avec qui on a vécu pendant quelque temps : Mlle  de Liron, Ernest, M. de Thiezac, M. Thilorier le médecin, on s’est entretenu avec tout ce monde. De toutes ces personnes, il y en a qui plaisent, d’autres qui déplaisent ; ainsi, on vivrait aisément avec Ernest, avec Thilorier, on aime infiniment M. de Thiezac, et même M. de Liron ; mais Mlle de Liron déplaît, froisse, contrarie, impatiente, on a de l’antipathie pour son caractère, et cela va même si loin, que lorsqu’elle meurt on n’en est pas fâché ; cependant sa mort est touchante, et elle est admirablement racontée. — Le Mécanicien du roi est une nouvelle assez agréable ; c’est l’histoire d’un fou, non pas fou d’amour, mais d’une victime de la science.

Le livre de M. Delécluse offre une lecture pleine d’attrait ; c’est un excellent remède contre le dégoût qu’inspire la littérature frénétique, épileptique, fantastique, galvanique et enragée, qui depuis quelques années s’abreuve de sang et se nourrit de cadavres.

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DELISLE DE SALES (J. B. Claude Isoard, plus connu sous le nom de),
membre de l’Institut, né à Lyon, en 1743, mort le 27 sept. 1816.


TIGE DE MYRTE ET BOUTON DE ROSE, histoire orientale, 2 vol. in-8, 1809. C’est la seconde édition, sous un autre titre, du Vieux de la montagne, publié en 4 vol. in-12, an vii (1799). — Tige de myrte et Bouton de rose sont deux beautés piquantes par leur physionomie expressive et leurs grâces ingénues. Elles habitent le sérail d’un sultan, beau, jeune, fier, brave, et surtout amoureux ; mais elles étaient amoureuses aussi, l’une de Kondemir, doué de la plus mâle beauté et le plus intrépide des Arabes, l’autre d’Ariel, jeune homme de quinze ans, d’une beauté céleste, qu’on laisse même quelquefois supposer d’une origine divine. Tige de myrte, malgré son amour pour Kondemir, cède à l’amour du sultan, qui ensuite la