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fille à produire au théâtre, le régisseur dont il faut subir la protection, quand on veut parvenir au sanctuaire de l’art. Dans la série de ses intérieurs, on remarque le théâtre bourgeois, la salle Chantereine, le foyer. Le chapitre du début n’est pas le moins instructif, et celui du lendemain du début n’est pas le plus gai.

On a encore de cet auteur : Les sept Contes noirs, in-8, 1832. — Avant l’Orgie, 2 vol. in-8, 1826.

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CRAON (Mme la princesse de).


THOMAS MORUS, 2 vol. in-8 (3e édit.), 1834. — On sait la vie et la mort de ce célèbre Thomas Morus, qui fut l’ami d’Érasme et de Pierre Gilles, qui garda pendant deux ans les sceaux du royaume d’Angleterre sous Henri VIII, et qui périt sur l’échafaud pour n’avoir pas voulu prêter le nouveau serment de suprématie exigé par le roi après l’intronisation d’Anne de Boleyn. Morus est le héros du livre de Mme de Craon, mais il n’en remplit guère que le seconde volume ; dans le premier, il s’efface devant Wolsey, son prédécesseur au poste de chancelier. De l’opposition de ces deux personnages naît un contraste dont l’effet est fort beau. Wolsey, tenant aux grandeurs, ambitieux, rusé, renversé d’un souffle au moment où il croyait à l’éternité de son pouvoir, mourant de cette disgrâce, abreuvé de fiel, dépouillé de tout, et finissant obscur et misérable ; Wolsey, fier quand il régnait, humble quand il succombe, et d’un autre côté le noble caractère de Morus, froid et calme à l’heure de son investiture, acceptant les sceaux pour faire le bien, pour dévorer sa fortune privée dans ces fonctions publiques, si incorruptible, si juste, si probe, si moral, que sa vue seule est un reproche pour le roi, pour Anne de Boleyn, pour toute cette cour corrompue comme son maître ; Morus qui se démet de sa charge et proteste contre un divorce approuvé par tous, qui meurt ensuite pour ne pas dire : Je jure ! pour finir en paix avec sa conscience ; ne regrettant qu’une chose à l’heure de sa mort, sa fille, sa pauvre Marguerite. Quel trésor qu’un pareil sujet, que de haute moralité il renferme, que d’émotions il provoque, que de sympathies il excite ! Et comme il succombe cet héroïque Morus ! Quand sa tête est sur le billot, il se relève pour dégager sa belle barbe qui eût pû amortir le coup : « Ma barbe n’a point commis de trahison, dit-il au bourreau, il n’est pas juste qu’elle soit coupée ! » — Mme de Craon s’est approprié de cette noble infortune tout ce qui pouvait saisir le lecteur ; elle a groupé les acteurs de son drame avec une habileté d’artiste ; elle a rendu leurs portraits avec une vigueur bien rare chez une femme.

HENRI PERCY, comte de Northumberland, 2 vol. in-8, 1835. —