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quatorze ans, d’une beauté éclatante et parée de toutes les grâces de la jeunesse, Hedwige avait été appelée au trône par le vœu unanime des Polonais enchantés. Mais la jalousie des grands consentait à se donner une reine, et réservait le droit de lui choisir un époux. Hedwige avait disposé de son cœur en faveur d’un de ses parents qui réunissait toutes les qualités propres à plaire, mais qui n’en possédait aucune de celles qui auraient pu le rendre digne de régner. Jagellon aimait sans être aimé. Cependant son courage, sa générosité, la voix de l’État, la nécessité de se maintenir sur un trône glissant d’où elle peut être précipitée par la même volonté qui l’y a placée, tout se réunit pour déterminer Hedwige au sacrifice de ses sentiments ; elle joint son sort à celui d’un héros. En peu d’années, l’exemple des vertus de la reine, plus puissant encore que la vue de ses charmes, civilise les Lithuaniens, change en chrétiens fervents ses nouveaux sujets. Telle est l’action grande et héroïque qui revit dans les récits animés de Mme  la comtesse de Choiseul-Gouffier, à qui l’on doit encore :

*Barbe Radziwil ; 2 vol. in-12, 1820. — Le Nain politique ; 4 vol. in-12, 1826.

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CHOISEUL-MEUSE (Mme  la comtesse Félicité de).


EUGÉNIE, ou N’est pas femme de bien qui veut, 4 vol. in-12, 1813. — Les peintres grecs plaçaient dans leurs ateliers, à la vue de leurs élèves, de bons et de mauvais tableaux : les premiers pour servir de modèles et leur montrer ce qu’il fallait imiter ; les seconds pour leur faire voir ce qu’il fallait éviter. Eugénie est un tableau de la dernière espèce, un tableau qui n’est ni moral ni édifiant. — Eugénie n’est point une prude ; elle ne ressemble en aucune façon à ces héroïnes des anciens romans, qui, toujours vertueuses et cruelles, résistaient dix ans au moins à leurs amants, toujours tendres et constants ; elle ne ressemble pas non plus aux héroïnes des romans modernes, qui croient qu’on ne peut éprouver dans la vie qu’une seule passion digne de ce nom, qu’on ne peut aimer qu’une fois véritablement. Eugénie aime souvent, et toujours fort bien, à l’exception de son premier amant, qu’elle croyait aimer de bonne foi, en prenant pour un véritable amour ce qui n’était qu’un mouvement passager de préférence ; à l’exception du huitième encore, parce qu’il était vieux et laid. Il serait difficile de décider lequel elle aimait le mieux du second, du troisième, du quatrième, du cinquième, du sixième, du septième, du neuvième, et peut-être de quelques autres. Eugénie avait assez bien résisté à son premier amant, d’abord parce qu’elle ne l’aimait guère, ensuite parce qu’il était passablement sot : elle résista de même au second, ou plutôt la résistance vint de celui-ci, non qu’il fût insensible aux irrésis-