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Arbace périt misérablement dans sa fuite. Glaucus et Jone réunis gagnent, à travers mille dangers, le rivage de la mer, et s’embarquent pour Athènes.

ERNEST MALTRAVERS, 2 vol. in-8, 1837. — Ce roman n’a presque rien de romanesque. Les acteurs dispersés vont, reviennent, se mêlent, disparaissent, reparaissent, non-seulement sans art, mais contre toutes les données de l’art. Après nous avoir intéressé, ils disparaissent. Tout à coup réduits à l’état d’ombres, devenus fantômes, muets après avoir parlé, oubliés dans un coin de la scène qu’ils ont remplie de leurs mouvements et de leurs cris, ils y tiennent à la fois trop et trop peu de place. Mais les portraits de tous ces acteurs sont bien véritablement des portraits et non pas des caricatures, et les tableaux de mœurs que retrace l’auteur ont réellement existé. Vous avez connu Ferrers, Mlle  de Ventadour, Castruccio, François Montaigne et M. Templeton ; vous avez soupé près du lac de Garda avec les Milanais que M. Bulwer a si légèrement esquissés ; Templeton le banquier, le suzerain moderne, portant dans la vie civile le puritanisme de Cromwel, est le type du capitaliste anglais, à demi trompé, à demi trompant, s’emparant de tout, envahissant tout, crédit, sainteté, magistrature et fortune ; Mlle  de Ventadour est la femme française du XIXe siècle par excellence ; Florence Lascelles est une coquette gâtée par les hommages, combattant contre un amour profond qui pèse sur son cœur et sa vanité, qui se révolte contre le joug que lui impose ce sentiment. Castruccio, poëte manqué, est un génie impuissant, débile, envieux, et atroce dans ses vengeances. Le portrait de François Montaigne est admirablement tracé ; mais Maltravers est un héros manqué, dont le portrait est à peine esquissé. — Ernest Maltravers, après avoir parcouru une partie de l’Allemagne, se trouve seul, à minuit, sur une grande route ; il frappe à la porte d’une cabane isolée, et demande un guide pour atteindre la ville prochaine. Cette cabane est un coupe-gorge habité par un brigand et par sa fille Alice qui se dévoue au salut de l’étranger. Forcée au silence par la présence de son père, elle essaye, par sa pantomime, d’apprendre à Ernest que Darvil a résolu de le tuer ; elle réussit à le sauver, le rejoint sur la grande route, lui demande asile et protection, devient sa pupille, puis sa maîtresse. Alice est une jeune fille de seize ans, plus ignorante qu’une Indienne qui n’aurait jamais quitté sa tribu, car elle ne possède pas la notion de Dieu ; l’éducation de cette jeune fille, le développement simultané de l’amour et du sentiment religieux, sont racontés par l’auteur avec une grâce et une simplicité remarquables. Rappelé par son père, Ernest abandonne Alice, et lorsqu’il revient avec l’espérance de la retrouver, elle a disparu ; la maison