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trouver continuellement sous la main inflexible de la justice !… Une déposition de son complice perd Aram, et malgré sa défense éloquente, qu’il prononce lui-même, les juges le condamnent. Il se tue en prison. — Le portrait du vieux Lester et de ses deux filles est un beau prologue qui ouvre simplement la marche du récit. Madeleine et sa sœur rappellent peut-être Mina et Brenda, ou du moins, en suivant la poétique opposition des deux caractères, nos souvenirs se reportent involontairement vers les premiers chapitres du Pirate ; mais cette ressemblance n’a rien qui tienne du pastiche ; l’entretien d’Eugène Aram avec Houseman son complice, la découverte des ossements de sa victime, son arrestation, son procès, et surtout sa confession, sont de magnifiques épisodes. L’entrevue de Walter, cousin de Madeleine et rival dédaigné d’Eugène Aram, auprès d’elle, la veille de l’interrogatoire, touche aux dernières limites de la terreur dramatique. Quand Walter, fils de Clarke, celui-là même qui a péri sous les coups d’Eugène Aram, se jette aux genoux de Madeleine et la prie de lui pardonner la mort de son amant, la vengeance de son père, les yeux s’emplissent de larmes et la critique est désarmée.

PELHAM, 4 vol. in-12, 1832. — Henri Pelham est un dandy achevé, qui peut servir de modèle et d’étude à tous ceux qui, n’ayant rien à faire en ce monde, incapables de haine et d’amitié, ennemis des livres qui les ennuient, des voyages qui les fatiguent, méprisant la vie de famille comme un engagement importun et la vie politique comme un tracas soucieux, reportent volontairement toute leur activité sur la manière de prononcer un mot, d’écarter les épaules, de lorgner à bout portant une femme qui passe ou même à qui l’on parle, et préfèrent le mérite d’un jockey à celui de Canning ou de Schéridan. Envisagé sous ce point de vue, Pelham serait encore un livre inestimable ; car il est tel chapitre dont la lecture attentive et répétée peut former un jeune homme à l’impertinence, au vice et à l’oisiveté, mieux et plus sûrement que trois duels et que six procès de criminal conversation. Le héros donne sur sa famille des détails curieux et qu’il faut méditer pour bien comprendre sa destinée et son rôle. Il raconte à merveille comment lady Pelham, ayant lu tous les romans historiques publiés depuis dix ans, commence l’éducation de son fils, seule et sans conseil. Toutes les lettres adressées à son fils pendant son séjour à l’université et son voyage en France sont des chefs-d’œuvre d’ironie et d’exclusion. Les soins qu’il faut apporter dans le choix de ses amitiés, l’art d’utiliser à son profit les relations les plus indifférents en apparence, de se lier publiquement avec une femme de ton, pour se ménager l’entrée des meilleures maisons, la tendre mère n’oublie rien. Absente, elle veut encore servir de guide et