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amené la fondation, par le professeur Milne, de la Société sismologique du Japon. Depuis lors, s’adaptant à la science avec la même ardente rapidité qu’il avait mise à assimiler tous les facteurs de notre civilisation occidentale, le Japon s’est mis véritablement à la tête de la science sismologique. Ses stations sont les plus nombreuses et fort bien outillées ; ses savants, en tête desquels il faut citer le professeur Omori, ont fait du Japon le pays dont il est permis, aujourd’hui, d’affirmer qu’il est le plus avancé dans cette branche de la science. Cela est bien naturel, si on songe que de tous les pays, civilisés ou non, le Japon est de beaucoup celui où les tremblements de terre sont les plus fréquents. C’est par centaines qu’on y enregistre chaque année les secousses sismiques moyennes. Quant aux grands séismes destructeurs, ils y sont plus fréquents que partout ailleurs. On en compte plus de cent du XVIIe siècle siècle à nos jours.

Ce triste privilège de l’Empire du soleil levant, lequel a d’ailleurs sa contre-partie dans la fertilité luxuriante d’une terre admirable, provient de ce que, comme je l’ai expliqué naguère, le Japon se trouve placé le long d’une de ces lignes de dislocation de la marqueterie terrestre qu’on appelle les grands géosynclinaux de l’époque secondaire, et qui marquent les zones où les cellules de l’écorce terrestre présentent une forte dénivellation.

Quant à la cause qui fait trembler la terre aux endroits sinistrement privilégiés dont Pline disait déjà : « Là où il a tremblé il tremblera, » quant au mécanisme producteur des séismes, on n’est pas encore très bien fixé sur sa nature.

Il n’est pourtant pas exagéré de dire que nos idées là-dessus semblent un peu plus saines que celles des anciens. Ils attribuèrent longtemps les mouvements du sol aux mânes agités dans le souterrain séjour ou plus simplement aux dieux infernaux. Il eût été tout aussi commode de supposer tout uniment que la terre tremble chaque fois qu’Atlas, fatigué ou un peu courbaturé, change d’épaule la sphère terraquée dont il est le vivant support. La mythologie et la rêverie, — ce qui est parfois tout un, — cèdent la place à un peu de physique avec Thalès de Milet, puis avec Aristote. Pour Thalès, la terre flotte comme un navire sur l’Océan, et par conséquent, les mouvements de celui-ci peuvent faire remuer la terre. Il étayait cette théorie sur le fait que les tremblements de terre font Souvent sourdre des sources nouvelles. Il y avait moins d’absurdité qu’on ne pouvait croire dans cette théorie enfantine. Elle s’apparente en somme assez à la théorie moderne selon laquelle