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de donner ces vers et de les donner à quelqu’un qui n’est pas musulman.)

Puis suivent des vers turcs :

« Par la peinture qui retrace mon triste visage, tu découvriras l’état de mon cœur.

« Sur la tablette de mon front, tu liras la copie de mon destin. »

Et il signa :

« Le fils (le descendant) de Son Excellence Notre Maître, le cheikh Mohammed Béhâ-ud-din Véled, serviteur des seigneurs Meslévis au Seuil sacré.

« MOHAMMED VÉLED. »


CONVERSATION FINALE AVEC LES FRANÇAIS DE KONIA

Chaque soir, après des journées si bien remplies, je retourne en Europe, c’est-à-dire que je rentre à l’hôtel de la gare. Cette gare, ces arbres, son hôtel entouré d’un petit jardin, c’est un coin d’Europe, une oasis, la promenade préférée de tout Konia. Aux heures les moins chaudes, la ville s’y vient installer. Ailleurs tout est livré aux punaises, et de ma fenêtre par-dessus le toit rouge de la gare des marchandises je vois les dures collines implacables. Mais cet étroit espace, c’est la France.

À la table voisine de celle où j’écris ces notes, je viens d’entendre les réflexions amères de deux voyageurs allemands : « Oui ou non, disent-ils, sommes-nous sur le chemin de fer allemand et dans un hôtel allemand ? On n’y parle que le français, et on y joue la Marseillaise ! »

C’est l’œuvre des Assomptionnistes. Ce soir, le dernier soir de mon séjour à Konia, leur supérieur, le Père Gaudens, veut bien venir dîner avec moi. Je lui fais tous mes compliments.

— Bah ! me dit-il, on est au monde pour lutter. Tout ce que nous ferions, si nous avions des novices ! Notre ordre se maintient par l’Italie, l’Espagne, la Belgique, mais le point sombre, c’est le recrutement français. On s’en tire comme on peut. Certains de nos Pères font des tournées en Bretagne, en Lozère, en Savoie, et les enfants qu’on leur confie sont éduqués à la française en Italie, en Belgique, en Espagne. Nous avons une bonne maison à Galeara, à quatre-vingts kilomètres de Bilbao. Ah ! nous savons tout de même travailler pour la France ! Dans cette