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— Monsieur le Supérieur, c’est une telle vision qui donnera son plein sens à mon pèlerinage de Konia.

Il me reconduisit jusque dans le petit jardin. En plein air, je vis mieux combien il était épuisé de l’effort qu’il venait de fournir. Je lui exprimai avec effusion ma gratitude de sa parfaite complaisance à me dévoiler un si grand poète.

— Cher monsieur, lui ai-je dit, la cérémonie où je vais vous voir figurer, avec tous vos prestiges de musique, de chant, de danse, de décors, de symbolisme et de vieilles traditions, me promet la sorte de poème en action, la grande œuvre de lyrisme et d’émoi religieux que toute ma vie j’ai pressentie et désirée. C’est la marmite des sorcières, mais où vous ne mettez rien d’immonde, rien que de noble et de spirituel.


PROMENADE DANS KONIA

Tandis que le Tchélébi épuisé se refait de nos causeries dans sa douce maison silencieuse, et que le balayeur, sur je ne sais quel ordre, me fuit, je vais aux quatre coins de Konia interroger les sites et ranimer la figure charmante au milieu du cortège extravagant de ses disciples.

Une grande ville assez prospère, cette poussiéreuse Konia, et qui paraît bien peu orientale à celui qui vient d’au delà du Taurus. Des maisons turques à un étage, aux fenêtres treillagées de bois, aux balcons grillés, et badigeonnées de bleu ou d’ocre sous leur toiture de tuiles rouges ; des mosquées en forme de cubes, surmontées d’une coupole, entourées parfois d’un jardin : tout un ensemble précaire, éphémère, rehaussé par une demi-douzaine de monuments historiques, les plus humbles et les plus somptueux, mais amoindri, je veux dire dénaturé, par deux, trois constructions neuves à l’européenne, (le Konack, la banque ottomane). Konia, en somme, doit le plus sûr de sa couleur locale aux caravanes et aux chameaux qui la parcourent.

Je suis allé jeter un coup d’œil sur les faïences du collège de Karakaï. C’est, dit-on, la plus belle décoration persane qui subsiste du XIIIe siècle. Toujours cette jolie solitude d’appartement d’été ; toujours ce goût simple, humain, qui garde dans ses raffinements quelque chose de familier et de primitif. Une porte mène à un immense cimetière continué par une plaine,