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dit Orsini, et il mourut avec courage sans rien dire. Son testament, publié après sa mort, n’était pas sans noblesse patriotique, et, contrairement à ce qui arrive en général, son crime ne fut pas inutile à la cause pour laquelle il se sacrifiait, car sans Orsini, nous n’aurions peut-être pas eu la guerre d’Italie.

Au point de vue de sa politique intérieure, la guerre d’Italie fut une faute de Napoléon III. Cette guerre, qui ne devait pas le réconcilier avec l’opposition libérale, donna naissance à une opposition nouvelle, l’opposition catholique. En grande majorité les catholiques s’étaient ralliés à l’Empire. Quelques-uns demeurèrent fièrement à part ; ainsi Falloux, qui avait été cependant ministre du Prince-Président ; ainsi Lacordaire qui, dans son Testament, comme on appelle assez improprement le dernier écrit laissé par lui, s’attriste d’un ralliement qui lui parait une apostasie. Ainsi Montalembert qui, après une adhésion de quelques jours dont il s’est souvent excusé depuis, reprit une attitude d’opposition virulente. Mais on put assez justement reprocher à d’autres d’avoir, suivant une apostrophe éloquente, « salué le nouveau César d’acclamations qui auraient excité le mépris de Tibère. » Les évêques, sauf quelques exceptions, lui apportèrent une adhésion qui ne se signala pas toujours par la mesure et la dignité. C’est ainsi que Mgr de Salinis, alors évêque d’Amiens, qui avait fait autrefois partie avec Lacordaire et Lamennais de la rédaction de l'Avenir, professait que, « quand l’Église rencontre César, elle doit aller à lui et lui tendre la main. » Mais lorsque le branle donné à l’opinion libérale eut, par une conséquence qu’il était facile de prévoir, soulevé la question du pouvoir temporel, cette alliance devint difficile à maintenir. Il y avait en effet quelque chose de contradictoire à vouloir l’Italie « libre jusqu’à l’Adriatique, » c’est-à-dire rattachée à la monarchie constitutionnelle du Piémont, et à maintenir en même temps sous l’autorité temporelle du Souverain Pontife des sujets récalcitrants, alors qu’à Rome même le pape Pie IX, en 1850, n’était rentré qu’à la suite de l’armée française et du général Oudinot. Lorsqu’il y a quelque contradiction au fond des choses, elle finit toujours par éclater à la surface, et c’était assurément une contradiction d’appeler à l’indépendance les populations de la Lombardie et de la Vénétie, et en même temps de maintenir sous la tyrannie douce, mais méticuleuse et tracassière, de l’autorité pontificale, celles de l'Ombrie,