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moi, n’a pas été étrangère à la bienveillance qu’il m’a toujours montrée. Je possède encore une Imitation qu’elle m’a envoyée pour ma première communion. Elle trouvait toujours le mot aimable à dire, la qualification louangeuse à employer, et elle aimait à se servir de cette qualification, au lieu du nom, dans ses lettres. C’est ainsi qu’elle appelait toujours mon père : « le noble exilé volontaire. » La marquise d’Harcourt a écrit une petite Vie d’elle qui parut deux ans après sa mort et qui eut un juste succès dans notre monde restreint.

La Duchesse d’Orléans demeurait au petit village d’Esher non loin de Claremont, mais l’esprit qui régnait à Claremont, n’était pas le même que celui qui régnait à Esher. L’esprit de Claremont, c’était la résignation. L’esprit d’Esher, c’était l’activité et l’ambition, au sens le plus noble du terme. Au risque de me servir de mots que la génération nouvelle ne comprendra pas, je dirai qu’à Claremont on était pour la Fusion, c’est-à-dire pour la réconciliation des deux branches de la Maison de Bourbon. A Esher, on était partisan d’une politique qui fût de nature à plaire aux libéraux plus qu’aux légitimistes. On était plus enclin à l’alliance avec les républicains modérés, qu’on espérait convertir à l’orléanisme, qu’à une réconciliation avec les partisans de la branche aînée, aux chances de laquelle on ne croyait pas.

Il y avait assurément plus d’activité politique chez les orléanistes que chez les légitimistes. Quelques orléanistes trouvaient cependant qu’il n’y en avait pas assez. Ainsi mon père ayant donné à la Duchesse d’Orléans, qui aimait à conduire des petits chevaux, un fouet dont le manche était muni d’un parasol, il y avait ajouté ce distique :

Cet instrument à double fin
Pourra servir à Votre Altesse :
Le fouet de ses amis châtiera la paresse :
Le parasol est pour son teint.

La fidélité orléaniste était entretenue par des pèlerinages en Angleterre, tout comme la fidélité légitimiste par des pèlerinages en Autriche. C’est ainsi qu’un assez grand nombre de personnes se rendirent à Londres pour la première communion du Duc de Chartres et la confirmation du Comte de Paris. De ce nombre fut mon oncle, le duc, encore à cette date prince de