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volume, pour échapper aux lois sévères qui régissaient la presse périodique, mais qui était une revue véritable, car elle était composée d’articles variés. Aussi l’appelait-on Varia. Varia était édité à Paris chez Michel Lévy, l’oncle des éditeurs actuels, un des rares libraires d’alors qui eussent le courage de prêter leurs vitrines aux publications des écrivains de l’opposition. Varia paraissait à Paris, mais était l’œuvre d’écrivains, tous Lorrains. Mon père, qui, bien que demeurant à Paris, était toujours resté Lorrain de cœur, y collaborait.

Dans la préface du premier volume de ce recueil, qui ne compta que sept ou huit numéros, je relève ces lignes : « La France est un pays où il suffit d’avoir vécu dix ans pour avoir entendu dire sur le compte de la liberté et plus de bien qu’il n’est raisonnable et plus de mal qu’il n’est juste. Entre ces deux conditions, être tout et n’être rien, il y a un milieu qui consiste à être quelque chose. Or, dans les circonstances les plus diverses, nous avons toujours pensé que la liberté est quelque chose de très grand, qui mérite nos regrets, possède notre attachement. La liberté, qui, pour tant d’autres, n’a jamais été qu’un moyen, nous semble vraiment digne d’être un but, et, sans en faire un bien suprême, l’unique ou principale destinée de l’homme ici-bas, nous croyons que chacun de nous doit faire plus que se servir d’elle. Nous estimons qu’elle vaut la peine qu’on la serve avec amour et fidélité. »

Ces lignes répondent si bien aux sentiments de mon père que j’oserais presque assurer qu’elles sont de lui. On comprendra donc qu’il n’ait pu prendre son parti du silence imposé à la France et qu’au lendemain du 2 Décembre, il se soit volontairement exilé.

Le coup d’État ne l’avait cependant pas frappé directement, car, après avoir été député de Provins, il ne s’était présenté ni à la Constituante ni à l’Assemblée législative dissoute par le Prince-Président ; mais il en sentit l’injure comme parlementaire et comme libéral. Son premier ouvrage avait paru en 1849 sous ce titre : Histoire de la Politique extérieure du Gouvernement de Juillet et était destiné à montrer qu’une politique extérieure, sage et fière, n’était pas incompatible avec le régime parlementaire. Comme libéral, il avait souffert du silence imposé à la France par un régime nouveau qui, menaçant tous les journaux d'avertissements préliminaires et de suspension faculta-