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baguette édifier de grandes usines, les équiper de machines encore inexistantes pour la plupart ; enfin éduquer les milliers et les milliers d’ouvriers spécialistes nécessaires à une énorme production d’armement et de munitions. Ainsi ajournés, les belligérants durent recourir aux fortifications de campagne pour se rendre inexpugnables. Comme conséquence, les armées changèrent leur mode de formation. L’ordre en masses profondes pour la guerre de mouvement s’étira en ordre mince sur une longueur de plus de cinq cents kilomètres. Face à face, c’étaient en réalité deux armées à la fois assiégeantes et assiégées. Elles défendaient l’immense place de guerre, dans l’espèce le terrain dont chacune avait la garde. L’une et l’autre guettaient l’occasion de faire une brèche. Malheur à qui se laisserait entamer ! Malheur à qui serait contraint de tourner le dos ! Dans cet ordre mince de combat, chaque point serait vulnérable, si les efforts de l’ennemi n’étaient aussitôt enrayés par l’action de l’artillerie. Celle-ci également égrenée, pièce contre pièce pour ainsi dire, devait agir avec plus de précision encore que dans les opérations ordinaires. Jamais champ d’études ne s’offrit plus spacieux, ni plus propice aux exercices de tir.

Avec la collaboration de la haute science, — ce nouvel agent de la guerre, qui chaque jour étendait son influence, — on rechercha tous les défauts d’un tir cependant remarquablement ajusté, selon les lois de la balistique courante. On en vint à tenir compte, dans le réglage du canon, du poids des obus. Ceux-ci, bien que conditionnés pareillement à l’usinage, étaient néanmoins parfois plus ou moins lourds. De ce fait, ils dépassaient ou n’atteignaient pas leur but. Dans le même ordre d’examen, on analysa les propriétés de chaque lot de poudre. Quoique préparée d’après des principes sévères et avec des matières identiques, elle présentait assez souvent des différences qui, même minimes, faussaient la rectitude du tir. Enfin, on porta la plus grande attention sur les phénomènes atmosphériques dont les effets sont loin d’être négligeables dans les conditions actuelles de la guerre. Les préparations d’offensive, les chances favorables ou contraires aux excursions des aviateurs, le perfectionnement de plus en plus désirable des tirs à très grandes distances, l’apparition des gaz toxiques dans la bataille, montrèrent la nécessité de connaître, au mieux possible pour toutes les régions du front, les présomptions de la