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en avant du son qu’il a produit au sortir du canon. Or, ainsi que la proue d’un navire en marche fend et déplace bruyamment les eaux, l’obus déchire et refoule les couches d’air avec un fracas qui va devançant le bruit de la décharge de la pièce. Ce phénomène a reçu le nom d'onde de choc. Son origine étant connue, comment éviter la confusion ? Comment différencier à l’audition, le coup d’onde de choc du coup de détonation ? Par des études qui leur font grand honneur, nos savants mirent en évidence le contraste existant entre les deux ondes. La première, celle de choc, se dessine en une seule ligne courbe, genre de vague unique ; et la deuxième, celle de détonation, en une série de festons allongés. Ceci trouvé, les spécialistes du récepteur central eurent la faculté d’éliminer les bruits parasites, dénoncés sur la bande enregistreuse par leur forme de vague.

Si, par cette amélioration notable, la méthode avait atteint son plein rendement, cela ne veut cependant pas dire qu’on possédait le repérage absolu de toute pièce en activité. Diverses anicroches compliquaient encore fréquemment la tâche de nos observateurs. L’adversaire, sachant qu’il est guetté, s’ingénie à dérouter les recherches. Son meilleur moyen est de couvrir de rafales même perdues, la voix du canon qu’il tient à garder secret. La multiplicité des ondes sonores produit alors un emmêlement quasi indéchiffrable des signaux. Toutefois, l’habitude et la patience parviendront à dégager la vérité parmi ces troubles artificiels, comme elles feront état des altérations causées par les ravins, les collines, les bois, le vent et la neige.

Regardant du côté des Allemands, on remarque qu’en ce qui concerne nos méthodes scientifiques de repérage par le son, ils étaient fort en retard sur nous. Qu’ils en aient eu l’intuition plus ou moins confuse, c’est possible, même probable. Nous n’en savons rien. Mais la certitude est que nous ne découvrîmes, chez eux, l’existence de sections de repérage par le son, sous le nom de Schall Mestrup, que trois mois après qu’ils se furent emparés d’un de nos postes, lors de la première attaque par les gaz asphyxiants (26 avril 1916). Il semble bien pourtant qu’ils ignorèrent ou ne pénétrèrent pas aisément nos perfectionnements ultérieurs, œuvre de nos savants ; car ils demeurèrent attachés, jusqu’à la fin de la guerre, à des systèmes rudimentaires que nous avions dépassés depuis longtemps.