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Parmi des organisations qu’on s’était efforcé de construire sensiblement pareilles, quelles étaient les vraies ? Quelles étaient les fausses ? Pour répondre à ces questions, pas de méthode connue. Les clichés n’étaient jamais bons. L’image qui aurait dû être prise verticalement s’était fixée au hasard des mouvements irréguliers de l’avion. Elle s’offrait confuse, baroque. Pour discerner la vérité dans l’infinie variété des déformations photographiques, on ne pouvait compter que sur une longue habitude servie par une sorte de sens divinatoire.

Ce labeur compliqué s’ajoutait aux autres soins déjà dévolus aux modestes « canevas de tir » du début. L’appellation « Groupes de canevas de tir » s’appliquait aujourd’hui à de grands établissements composés de bureaux, d’ateliers, de laboratoires, et de vastes magasins où se distribuaient cartes, boussoles, instruments de mesure et d’optique de toute sorte ; parfois il y avait en outre un train d’imprimerie, composé de quinze wagons, avec les presses mécaniques, les ateliers de photographie et d’héliogravure. Nous en avions même un, au lac de Garde, dirigé par un imprimeur de Toulouse. A toute heure, coup sur coup, arrivaient les directions du commandement, les photographies de l’aéronautique, les renseignements recueillis de l’interrogatoire des prisonniers et des espions. Suivre les unes, éclaircir les autres, cribler le reste et ensuite mettre au point le plan directeur du lendemain, c’était un travail ininterrompu de jour et de nuit. Nos alliés Belges, Anglais, Italiens adoptèrent une organisation analogue à la nôtre, dès qu’ils eurent constaté les services énormes rendus par notre manière de traiter l’exploitation du plan directeur. Quant à l’armée américaine, elle s’est mise modestement, et avec la meilleure grâce du monde, à l’école chez nous. Son personnel géographique fut instruit au camp de Valdahon (Doubs). Les Allemands eux-mêmes instituèrent des plans directeurs similaires aux nôtres, après nous en avoir pris. Autant qu’ils le purent, ils nous copièrent littéralement. Dans le délai de deux mois, on était presque certain de retrouver sur leurs plans comme dans leurs règlements les modifications et améliorations successives que nous avions apportées aux nôtres.