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certaines erreurs, avaient été signalées, déjà en 1891, par la commission centrale des travaux géographiques, laquelle préconisait chaudement une carte, à plus grande échelle, donnant le kilomètre carré sur vingt-cinq centimètres carrés (soit au 20 000e). Pour des raisons d’une politique lamentable, les pouvoirs publics reculèrent devant une dépense globale de vingt millions qui eût largement suffi. Ils n’accordèrent qu’un crédit annuel de soixante-quinze mille francs. Avec une telle annuité, il aurait fallu au moins deux cents ans pour achever le travail !

Politique lamentable en effet, car la carte que le budget ne permit pas de réaliser était réclamée non seulement par les chefs militaires, mais avec autant d’instance par les hauts fonctionnaires des administrations civiles. Que ce soit pour les routes, les canaux, les chemins de fer, l’aménagement de forces hydrauliques ou les projets d’irrigations et de drainages, la connaissance parfaite des formes du terrain était de la plus haute importance. Rien qu’en ce qui concerne les chemins de fer, le rapporteur du budget des travaux publics pour 1889, estimait que, si lors du premier tracé des voies ferrées, on avait eu une carte intégrale, on aurait économisé plus d’un milliard, somme fabuleuse à cette époque où l’on n’avait pas encore entendu parler de milliards par centaines, pas même par dizaines.

Donc, en 1914, notre approvisionnement général se bornait à la carte d’état-major, sauf pour les endroits que les modestes crédits avaient permis de relever. C’étaient les environs de Dunkerque, Lille, Maubeuge, Mézières, Nancy, Épinal, Langres, Laon et Paris. En d’autres termes, pour toute la région qui s’étend en longueur de Saint-Omer à Bar-le-Duc, et en hauteur de Givet à Meaux, englobant Amiens, Arras et Châlons, aucun travail cartographique à grande échelle n’avait été fait. Autant dire que cette lacune affectait la majeure partie des pays déjà envahis, ceux où il faudrait bien combattre un jour. L’urgence de remédier à cette situation déplorable, pleine d’anxiété pour le commandement, s’accusa encore davantage quand le général Joffre, en son quartier général de Romilly-sur-Seine, eut adhéré aux propositions du général Bourgeois et lui eut confié pleins pouvoirs pour introduire sans retard dans la guerre de position les méthodes d’artillerie de la guerre de siège.

L’ordre était donné ; l’homme était là pour l’exécuter, c’était parfait. Mais tout de suite se dressa l’objection que