Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 17.djvu/429

Cette page n’a pas encore été corrigée

n’existaient en approvisionnement. On n’avait jamais pensé que l’ennemi pût franchir la frontière. Et à l’heure critique, par une conjoncture invraisemblable, on se trouva dans l’impossibilité de tirer aucune carte de la France. Dans la panique qui suivit nos premiers revers, le général Hartung, chef de l’état-major, ordonna d’envoyer en province les planches de cuivre de la carte de France. Ce travail fut confié à un employé du Dépôt de la Guerre qui, après avoir emballé le tout dans cent cinquante caisses, les expédia sur Brest. Sage précaution... à condition toutefois de ne pas être tenue secrète au point de rester ignorée, jusqu’à la fin des hostilités, par les ministres de la défense nationale à Paris et à Tours. « Les cartes manquaient absolument, dit M. de Freycinet, dans son ouvrage la Guerre en province, cependant il en fallait, et pour l’armée et pour l’administration. » Après l’essai de divers et médiocres expédients, on sortit enfin de cette détresse grâce à la découverte, chez la veuve d’un officier supérieur, d’un album complet de la carte d’état-major. Alors, tant bien que mal, et de toute urgence, on installa à Bayonne un atelier de reproductions photographiques qui permit, dans les quatre derniers mois de la campagne, de distribuer quinze mille cartes aux états-majors. Au mois d’août 1871, les cent cinquante caisses de planches de cuivre revenaient de Brest au ministère de la Guerre[1].

Les conséquences lamentables du manque de cartes en 1870 montrèrent péremptoirement que le Service géographique était l’un des rouages essentiels de la défense nationale. Aussi lorsqu’en 1874, il s’agit de réorganiser l’armée sur de nouvelles bases, on reconnut la nécessité de créer, comme il existait en Allemagne, un état-major général chargé de préparer pour le jour voulu, la meilleure mobilisation de toutes nos forces. Dans cette conception, le nouvel état-major général s’incorpora les spécialités de la géodésie et de la topographie en son cinquième bureau. Semblable était à Berlin l’organisation du Service géographique militaire (Landesaufnahme), avec cette différence qu’on y employait autant de fonctionnaires et agents civils que d’officiers et sous-officiers. Le cinquième bureau ne tarda pas à devenir le Service géographique de l’armée dont le statut se résume en ces termes : « Assurer dès le temps de paix,

  1. Colonel Berthaut, la Carte de France. Étude historique, I, 276.