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des cartes remplissant ses désirs. Son attitude, ses paroles en telle circonstance sont notées dans le curieux rapport du colonel Muriel qui avait été chargé de présenter au souverain, à l’Élysée, le 6 mars 1809, ce qu’on désignait sous le nom de « carte de l’Empereur. » « L’Empereur se couche sur les cartes, examine, parcourt dans tous les sens, toujours à plat ventre sur les pieds et sur les mains, me fait dans l’intervalle des questions sur la manière dont le travail a été fait et sur la nature des matériaux employés. Sa Majesté sifflait de temps en temps et battait la mesure avec ses doigts sur les cartes. Un quart d’heure à peu près passe de la sorte. Sa Majesté, toujours couchée, jette les yeux sur le paquet qui contenait la carte de Basse-Autriche, me demande ce que c’est et, sur ma réponse, me dit de lui donner la carte de Vienne. Cette feuille déployée, Sa Majesté s’assied dessus en s’accoudant, me questionne sur l’échelle et me dit : « Voilà une grande carte ! Voilà des cartes ! »

Se coucher sur les cartes pour les examiner était, paraît-il, la position favorite de Napoléon Ier, même en pleine campagne. Ainsi le voyons-nous, en 1813, à Priesnitz, près Dresde, où il cherchait un point favorable au passage de l’Elbe. « Une batterie formidable, dit Planat de La Faye, placée sur la rive opposée tirait sans interruption quoique notre artillerie ripostât vigoureusement. L’Empereur courut un grand danger : il avait fait étendre une carte sur le sol, et s’était mis à plat ventre dessus pour l’étudier ; le major-général était assis près de lui, et tout le reste à une distance respectueuse, les yeux fixés sur le souverain. Tout à coup un obus vient tomber à dix pas derrière lui, s’enfonce et éclate en le couvrant de terre ainsi que sa carte. Heureusement personne ne fut blessé... L’Empereur se releva en secouant la terre dont il était couvert et dit gaiement : « Ces drôles-là n’en font jamais d’autres[1]. »

Grâce à l’impulsion donnée au corps impérial des ingénieurs-géographes, les bureaux topographiques, à la fin du règne de Napoléon Ier, possédaient des cartes de toute l’Europe, les unes un peu rudimentaires, les autres parfaites pour l’époque.

Passons sur la période intermédiaire : la guerre de 1870 fut une terrible leçon pour la section du Service géographique. A l’exception des cartes d’Allemagne, nulles autres

  1. Vie de Planat de La Faye, officier d’ordonnance de Napoléon I", p. 135.