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apportent souvent, dans leurs dissensions politiques, la même intolérance que leurs pères dans les querelles religieuses. Les qualités les plus rares parmi ces peuples, et qu’ils doivent s’efforcer d’acquérir, ce sont celles du sens pratique, du travail patient, de l’ordre, de la méthode, qui distinguent d’autres peuples. Les dons de l’intelligence et de la sensibilité dominent souvent chez eux les qualités du caractère. La culture grécolatine, le droit romain, l’hérédité catholique et la philosophie du XVIIIe siècle leur ont donné un idéal commun dont l’évocation provoque ces mouvements généreux et désintéressés qui font la noblesse des nations et assurent souvent la grandeur de leur avenir.

Reconnaître, maintenir et resserrer les liens de la latinité, c’est une tâche dont l’importance doit éclater à tous les yeux. Par quels moyens matériels, intellectuels et moraux la France remplit-elle ce devoir ?

J’écarte tout d’abord l’examen de ses relations avec les sœurs latines en Europe. Je me contenterai de constater que la Grande Guerre a renoué des liens solides avec l’Italie ; les discussions des conférences et des chancelleries n’ont pas réussi à faire oublier la fraternité des armes que les anciens combattants m’ont affirmée avec un ensemble touchant, en Argentine, comme ils devaient le faire plus tard en Tunisie. En Italie, comme en Angleterre et en Amérique, un appel à ces éléments solides et sains sera toujours entendu.

Ce lien nous manque malheureusement avec l’Espagne ; de l’autre côté des Pyrénées, les malentendus naissent et se développent trop facilement, souvent grâce à la propagande allemande. J’étais au Pérou au moment où y parvint la nouvelle des défaites subies au Maroc par nos voisins ; conformément à des dispositions depuis longtemps arrêtées, le navire de guerre qui portait l’ambassade espagnole quitta le Callao le jour même de cette publication, avant même qu’elle fût parvenue aux équipages. Il n’empêche qu’au cours de mon voyage, j’ai eu à démentir le bruit de rixes entre l’équipage du Jules Michelet et celui du croiseur espagnol, qui auraient été motivées par des discussions sur ces événements, et dans lesquelles les marins français jouaient le rôle d’agresseurs. De même, j’ai eu à répondre aux accusations des journaux espagnols, qui voyaient dans les défaites la main de la France ; j’ai eu à rappeler les