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général Nerel et ses officiers sont revenus combattre dans nos rangs, dès 1914 ; à la paix, ils sont retournés au Brésil continuer leur œuvre, forts de leur nouvelle expérience, et en parfaite communauté de vues avec le général Gamelin ; tout en restant absolument indépendant de l’armée fédérale, le général Nerel en applique à Saint-Paul les règlements de manœuvre et les méthodes d’instruction.

Ce sont de très belles troupes que je passe en revue le lendemain, et qui, par leur tenue, rappellent étonnamment nos régiments avant la guerre. Dans les casernes, dans les écoles des sous-officiers, je constate les soins donnés à l’instruction. Les « forces de police » feraient, en cas de besoin, très bonne figure à côté de l’armée régulière.

L’Ecole normale qui forme les institutrices est le plus remarquable établissement d’instruction que j’aie visité au cours de mon voyage, et je voudrais pouvoir espérer que nous en avons de semblables en France. De vastes bâtiments, confortables, bien aérés et éclairés, des terrains de jeu et de sport, voilà pour l’extérieur, la partie immédiatement visible ; des classes exécutent des mouvements de culture physique d’après les principes modernes, encore ignorés de notre enseignement, et que seule l’École militaire de Joinville s’efforce de répandre. Le ministre de l’Instruction publique et le directeur de l’École normale, qui m’accompagnent, m’expliquent que l’instruction pratique et les cours ménagers sont ici sur le même plan que l’instruction théorique et les arts d’agrément. Puis, dans un grand amphithéâtre, je suis accueilli par un chœur qui chante la Marseillaise en français, sans aucun accent. Une élève m’explique : pourquoi la jeune Brésilienne aime la France ; c’est un discours français aussi bien pensé que dit, où se mêlent la raison et le sentiment. Après l’exécution d’un beau programme de musique et de déclamation, un professeur prit la parole et s’excusa de le faire à l’improviste. Sa haute et sobre éloquence apporte à notre pays un des plus beaux hommages que j’aie jamais entendus, et il était impossible de se douter que l’orateur n’était pas notre compatriote. Vraiment, le français n’est pas ici une langue étrangère ; la façon dont ces futures institutrices l’ont appris me montre comment elles sauront l’enseigner. C’est pour elles une langue classique sans être une langue morte.