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pour que j’accepte l’invitation d’aller à Saint-Paul. Nous partons le 18 à onze heures du soir dans un excellent train et nous arrivons douze heures après à Saint-Paul. Nous traversons pendant la matinée un pays riche, admirablement cultivé, qui parait comme une immense plantation de café. A notre arrivée, les troupes ont pris les armes. La population nous acclame avec enthousiasme et crie longuement : « Vive la France ! » Avec les autorités locales, le général Nerel et les quatre officiers de la mission militaire française nous attendent à la gare et nous conduisent d’abord au Cercle français, où se sont réunis les anciens combattants. Après un déjeuner à l’Automobile-Club, je rends visite au président de l’État, M. Washington Luiz, puis aux ministres. Nous parcourons une superbe ville toute en fête, qui manifeste sa joie de nous recevoir ; le Président et les membres du Gouvernement sont tout heureux de nous le faire constater.

Le soir, nous dînons à la Présidence. M. Washington Luiz nous raconte très simplement comment son prédécesseur, qui est présent et approuve, a décidé et obtenu l’arrivée d’une mission militaire française. Les premières ouvertures faites par le Gouvernement de Saint-Paul au Gouvernement fédéral de Rio avaient été accueillies froidement ; le baron de Rio Branco, alors ministre des Affaires étrangères, était un remarquable homme d’Etat, qui a rendu de grands services à son pays où son nom reste hautement honoré ; mais, pendant un long séjour à Berlin, il s’était laissé séduire par l’organisation allemande, la force débordante du nouvel Empire, et les attentions enveloppantes de Guillaume II. Rio Branco répondit donc aux projets de Saint-Paul en indiquant qu’après la guerre de 1870-71, les officiers allemands lui paraissaient beaucoup mieux qualifiés que les Français pour servir d’instructeurs aux troupes paulistes. Le Président de Saint-Paul maintint son opinion, fondée sur les affinités latines des deux peuples brésilien et français : la discipline allemande, à son avis, ne convenait pas aux soldats brésiliens. Le Gouvernement fédéral se désintéressa complètement de la question ; c’est en dehors de lui et du Gouvernement français que des officiers français en retraite ou en non-activité contractèrent un engagement avec l’État de Saint-Paul ; le ministre de la Guerre français leur donna simplement le droit de porter leur uniforme avec le grade supérieur. Le