Au cours de nos visites au Président et aux Ministres, nous admirons d’abord le splendide boulevard qui court le long de la mer, puis les constructions monumentales d’heureuses proportions, les rues larges et bien tracées. Les collines très rapprochées de la côte ont forcé la ville à s’étendre démesurément en longueur et aujourd’hui, pour bâtir sans trop s’éloigner du centre, il faut entailler fortement les pentes abruptes par des travaux de nivellement qui sont de plus en plus importants. Les jardins publics ou privés égayent cet ensemble un peu volontaire ; de hauts palmiers royaux au tronc lisse donnent un caractère vraiment architectural à certaines grandes artères. La splendeur de la végétation tropicale est depuis longtemps utilisée dans la décoration, et toujours avec un goût parfait. On montre au jardin botanique la Palma mater, l’ancêtre de ces palmiers royaux, planté sous le roi Jean VI, au commencement du dernier siècle, colosse qui a donné naissance aux arbres de cette espèce qui ornent toutes les villes du Brésil, et j’admire aussi une allée de manguiers datant de la même époque.
C’est en audience privée que me reçoit le président Epitacio Pessoa. En effet, le quai d’Orsay a cru devoir notifier que mon rôle d’ambassadeur s’étant terminé au Pérou, je n’étais chargé que d’une mission de courtoisie, et que d’ailleurs les fêtes du centenaire de l’Indépendance brésilienne, préparées pour l’année suivante à Rio, donneraient lieu à l’envoi d’une ambassade spéciale. Il s’en suit que nous circulons sans pompe et beaucoup plus librement ; mais aucun préparatif n’avertit de notre passage la population de Rio, qui nous salue courtoisement, sans plus : rien ne rappelle les manifestations enthousiastes qui nous ont accueillis dans toutes les autres villes américaines. Le caractère privé de l’audience n’enlève rien à la cordialité du président Pessoa, ni aux attentions de toute sorte dont nous avons été comblés pendant notre séjour au Brésil.
Nous rendons visite ensuite aux ministres des Affaires étrangères, de la Guerre et de la Marine, ainsi qu’au chef d’Etat-major général, le général Bastos. Avec le ministre de la Guerre, M. Calogeras, la conversation se prolonge. Jeune, intelligent, ardent, patriote, M. Calogeras se félicite beaucoup des services que rend la mission militaire française en modernisant l’armée brésilienne ;