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jeu décevant d’éventail ; avec une coquetterie qui se prolonge vraiment trop longtemps, cette nature splendide nous cache successivement chacun de ses traits charmants : la vue d’ensemble nous échappe.

Un petit vapeur nous accoste, ayant à bord Son Excellence l’ambassadeur de France M. Conty, puis nous entrons dans l’arsenal de guerre, où nous débarquons. Un bataillon rend les honneurs ; une musique joue la Marseillaise. Dans une grande salle de décoration guerrière ont lieu les présentations : l’Ambassadeur, sa maison militaire française, les fonctionnaires des Affaires étrangères, les officiers brésiliens que le Président de la République a bien voulu nous adjoindre. Parmi ces derniers, le général Randon est attaché à ma personne : d’origine française, le général Randon a exploré une immense région et il en a commencé l’organisation et la mise en valeur. Et je suis très sensible à l’attention d’avoir placé près de moi un explorateur célèbre, dont les travaux scientifiques sont très remarquables, et qui est en même temps un colonial de vocation. Je retrouve comme chef de la mission militaire française le général Gamelin, un de mes anciens compagnons d’armes sur le front français, qui dispose d’une trentaine d’officiers triés sur le volet et qui mène à bien sa tâche délicate, grâce à l’appui du Gouvernement et à la bonne volonté de tous.

Nous montons en automobile, et en quelques tours de roue nous sommes au beau palais de Guanabara, où je suis l’hôte du Brésil. C’est l’ancienne résidence du comte d’Eu, gendre de l’empereur dom Pedro II, et les souverains belges m’y ont précédé. Guanabara est le nom indien de la baie de Rio ; Dias de Solis, le premier navigateur portugais au service de l’Espagne qui la découvrit au commencement de l’année 1515, prit cette rade profonde pour l’estuaire d’un grand fleuve qu’il appela « Rivière de Janvier. » Quarante ans plus tard, le huguenot français Villegaignon s’établit dans la petite île que nous côtoyions tout à l’heure et y voyait la capitale de la France antarctique. C’est seulement en 1567 que les Portugais, après avoir ruiné cet établissement que divisaient les querelles religieuses, fondèrent sur la cote San-Sebastian-de-Rio-de-Janeiro, qui devint au XVIIIe siècle la capitale de la colonie, puis de l’empire du Brésil, et qui est aujourd’hui, avec son million d’habitants, la capitale magnifique de la République fédérale.