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Le mauvais temps m’a empêché de me rendre à l’invitation que la ville de Minas m’avait adressée : c’eût été une occasion de visiter les campagnes si fertiles de l’Uruguay, qui est comme un grand jardin coupé de prairies, également propre à la culture et à l’élevage. Grande comme la moitié de la France, la République orientale n’a qu’un million et demi d’habitants, mais tout le sol est fertile, et il pourrait facilement en nourrir dix ou douze fois autant. Par sa forte natalité, et une immigration de bonne qualité, la population s’accroît très rapidement. L’instruction publique est très développée, et Montevideo est justement fière de son Université. Le pays est certainement destiné à un grand avenir.

Mais il nous faut le quitter, car je dois être à Rio pour la « fête de la race, » qui commémore la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb. Je prends congé du président Brum et des ministres le 6 octobre, non sans regret. Le lendemain nous nous rembarquons. Le ministre des Affaires étrangères a tenu à venir lui-même me saluer à bord. La population se presse de nouveau sur les quais et nous fait des adieux vraiment touchants. Enfin, à cinq heures, le Jules Michelet s’éloigne de cette terre si amie, que nous ne voyons pas disparaître sans quelque mélancolie.


LES ÉTATS-UNIS DU BRÉSIL


11-18 octobre.

Dès les premières heures du jour, nous montons sur la passerelle pour ne rien perdre de l’entrée dans la baie de Rio. Le ciel est nuageux et la lumière pourtant reste vive. Mais des grains courent vers l’horizon et en voilent constamment certaines parties pendant plusieurs minutes. Quand nous approchons de terre, c’est comme un rideau mobile qui se promène devant nous et par instants nous enveloppe entièrement. Un contre-torpilleur battant le pavillon de guerre du Brésil vient à la rencontre du Jules Michelet, salue, et nous fait escorte.

Voici la terre, avec ses plages de sable, ses villas et ses jardins verdoyants, dominés par des montagnes au profil net et fier. Nous entrons dans la passe, que défendent les forts de San Juan et de Santa Cruz, et nous voici près de l’ile de Villegagnon, dans la baie de Rio de Janeiro, qui présente un des plus beaux panoramas du monde. Mais les averses locales continuent leur