Conseil, et je trouve pour le présider M. José Battle y Ordonez, qui a été par deux fois Président de la République et s’est montré un fervent ami de la France.
C’est le représentant le plus marquant du parti avancé, du parti rouge, qui depuis l’origine de la République lutte contre le parti blanc. Cette opposition des deux couleurs vient des guerres civiles, qui commencèrent malheureusement dès que l’indépendance fut assurée ; le chef d’un des partis montait un cheval blanc et ses cavaliers portaient une flamme blanche à leur lance ; le cheval de son adversaire était bai et ses lanciers arboraient une flamme rouge. Mais j’ai le bonheur de n’avoir pas à me préoccuper de ces couleurs : si les partis rivalisent à mon arrivée, c’est dans le déploiement de leur amour pour la France.
Cette journée est consacrée à la remise des décorations et à l’échange des visites officielles, et ces démarches protocolaires, qui se déroulent d’ordinaire dans une atmosphère assez froide, sont ici réchauffées par des sentiments qu’on sent bien venir du cœur et l’échange des mots les plus simples prend toute sa signification.
La colonie française vient me rendre visite à la Légation, qui est bien la Maison de France. Un certain nombre de notables font ensuite une démarche discrète, mais très significative, pour que j’insiste auprès du département afin que M. Auzouy garde son poste le plus longtemps possible. C’est une vraie satisfaction de constater la sympathie dont nos nationaux entourent notre représentant, et en même temps son parfait accord avec le Gouvernement auprès duquel il est accrédité.
A la Légation de France, les thés, bals, soirées, diners privés ou officiels succèdent aux réceptions et rassemblent la colonie française et toutes les personnalités notables de la capitale uruguayenne. Le diner où nous convie le président Brum est particulièrement brillant. Le Club des Dames nous offre plusieurs réceptions, où l’élite de la société veut bien me faire admirer les danses de caractère encore en usage dans la campagne ; j’y retrouve par moments les figures de l’ancien quadrille français, avec un cachet original que soulignent les costumes locaux et les éperons des cavaliers, aux énormes molettes. L’ensemble est très gracieux, d’une réserve charmante, à plusieurs siècles des danses modernes.