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Société de Palestine met à leur disposition, chaque année, plus de 60 000 francs. — Les Américains y datent de 1860. Ils ont 120 élèves à leur collège, 60 à leur école de garçons, 70 à leur école de filles, et pour ces 250 enfants, dix professeurs. — Nous, c’est en 1882 que nous sommes venus nous installer, sur le désir que nous a fait connaître Gambetta, quand M. Paul Savoye, notre vice-consul de Hama, demanda à se transporter à Homs. Nous avons aujourd’hui trois écoles de garçons qui comptent 300 élèves, et trois écoles de filles, avec 240 élèves ; en outre un dispensaire. Tous ces enfants sont entassés comme des anchois et n’ont pour jouer qu’une cour minuscule. Le Caïmakan me disait encore l’autre jour : « Faites-nous deux pensionnats pour les garçons et pour les filles. Le russe n’est pas apprécié à Homs. À quoi peut servir le russe ? » C’est très bien raisonné. On nous demande d’enseigner le français plus largement. Nous confierions ces pensionnats à deux congrégations françaises. Mais nous manquons d’argent et de maîtres. Au lieu d’élargir, il faut restreindre. Notre résidence d’Homs comptait 40 écoles de villages ; nous avons dû en fermer 35. Pourquoi ? Parce que les ressources venues de France, en personnel, en matériel, ont trop diminué.

— Mon Père, il me vient une idée. Quand vous visitez vos villages, rencontrez-vous des Ismaéliens ?

— Dans quelques jours, je vais aller dans la montagne des Nosséiris. J’y passerai trois semaines.

Alors tout de suite, je lui dresse un questionnaire, un programme d’enquête. Et lui :

— C’est une circonstance providentielle que je vous rencontre, monsieur Barrès. Cette semaine, il m’est arrivé un malheur. On m’avait demandé, sans me laisser de répit, un sermon sur Jeanne d’Arc pour le pensionnat des petites filles. J’étais embarrassé. On n’improvise pas en arabe comme en français. Une idée : je demande au dispensaire des religieuses la statue de Jeanne d’Arc. Les sœurs hésitent, et ne me la prêtent qu’avec mille recommandations. Je promets tout ; je fais mon sermon ; la statue parlait mieux que moi à mon auditoire. Hélas ! après la cérémonie, voilà-t-il pas qu’une de ces enfants maladroites me l’a cassée. Je vous dis que votre passage est providentiel. Vous, un compatriote de Jeanne, vous m’enverrez sa statue, et moi, pauvre Père, des notes sur les Ismaéliens.