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école de nos religieux ? Oui, nos religieux, à leur tour, après les Raymond de Toulouse, et les Rachid-eddin, comment les comprendre ? Avant de quitter définitivement Beyrouth, et de poursuivre mon voyage par terre jusqu’à Constantinople, je veux achever mon enquête.

Je suis retourné dans cette grande maison de l’Université Saint-Joseph. À nouveau j’ai causé avec les Pères jésuites. Leur Institut d’études orientales, leurs écoles d’agriculture, leurs petites sœurs arabes, les Mariamettes, autant de machines prêtes à s’engrener avec la vie indigène, autant d’imaginations de génie.

Je suis retourné chez les Frères des écoles chrétiennes. Leur enseignement professionnel est quelque chose d’extraordinaire. Ils fournissent tout le personnel des professions libérales, des administrations, des chemins de fer et de toutes les entreprises de caractère international. Au milieu de cette civilisation musulmane et de ces débris composites, ce n’est rien moins qu’une classe moyenne qu’ils sont en train de créer, une classe nourrie de notre culture et vivant de nos traditions.

Je suis retourné chez les Filles de la Charité. Elles ont pour mot d’ordre, si je les comprends bien, de ne jamais juger ni même interroger le malheur, et de courir à tout ce qui souffre. Comme elles se font aimer !

Tous et toutes, je me sens mieux capable d’apprécier leur action, maintenant que j’ai vu les territoires qu’ils ont entrepris d’assainir. Je les regarde avec respect exécuter, conformément à leur règle, un dessein de vertu et de génie. Ils obéissent à une pensée initiale dont ils déroulent les conséquences. Quelle pensée exactement ? On ne me demande pas que je décrive davantage leurs maisons, leurs élèves, leurs programmes, bref les signes extérieurs et les effets de leur mission ; je viens d’en fournir le tableau le plus récent à la Chambre ; mais je voudrais entrer plus intimement au cœur de leur politique.

— Cher monsieur, dis-je à l’un et à l’autre, je suis émerveillé de l’œuvre française que vous accomplissez. Mais je ne comprends pas clairement votre point de vue. Ainsi, vous, les Jésuites, vous êtes un ordre international. Pourquoi vous dévouer à la France ?

— Nous agissons par province. L’œuvre de Beyrouth, c’est l’œuvre de notre province de Lyon, qui tout naturellement, parce que française, travaille pour la France.