diablesse d’écriture : le commandant Loti, lui aussi, m’a bien reproché ça souvent… « Mauberger, il me disait, vous écrivez trop fin… » C’est moi, tout de même, son secrétaire… depuis vingt ans.
Je tiens encore la main qu’il m’a tendue. Avant de la lâcher, je la serre plus fort. Et, tout de suite, dispute : Mauberger veut m’arracher ma valise. Je refuse énergiquement. La voiture est là, d’ailleurs. Et nous voilà côte à côte, roulant par les rues de Rochefort, tout à fait pareilles aux ruelles d’un village, parmi la pluie matinale, abondante, la boue du pavé, les ruisseaux larges, les trottoirs étroits, les très grands arbres et les très petites maisons…
Nous avons quitté la rue de l’Arsenal. Les voitures tournent à main gauche. Je lis sur une plaque : rue Pierre Loti…
— Non ! Ils se sont décidés, les Rochefortais ?…
— Eh oui ! II y a quatre ou cinq ans, de cela… Au temps jadis, c’était la rue Saint-Pierre, vous savez… et puis, un Conseil municipal avait été élu qui ne voulait plus de saints et on l’avait appelée la rue Chanzy. Le commandant a beau être protestant, ça l’avait fichu dans une sacrée colère ce changement-là !… C’est qu’il n’aime pas qu’on touche aux vieilles choses ! Son idée à lui, c’est que nos pères étaient aussi malins que nous, sinon plus… et moins canailles !… Pour sûr, si la rue Chanzy avait encore été la rue Saint-Pierre, le commandant aurait protesté et défendu qu’on la débaptisât pour l’appeler la rue Pierre Loti !
Et voilà qu’on s’arrête ; et voici le numéro 141, la maison de Loti.
Le monde entier la connaît. Tous les journaux, toutes les revues en ont parlé ; tous les magazines l’ont vulgarisée par l’image. On sait qu’il y a la salle gothique ; on sait qu’il y a la salle chinoise ; on sait qu’il y a la mosquée ; on sait qu’il y a la chambre turque ; on sait qu’il y a le musée… Ce qu’on ne sait pas, c’est que la rue Pierre Loti, à Rochefort, est une toute petite rue provinciale, presque campagnarde, et bordée de très vieilles et très simples maisons, élevées sur la rue de deux, de trois étages… Rochefort est une ville à peu près coloniale, tant il y fait chaud en été, et chaud d’une chaleur humide, fiévreuse ; beaucoup de portes sont doublées d’une grille, d’une