Oies, pour peu que Fouillis-les-Oies fût ville de garnison. — Et ne riez pas : car ce détail-là, c’est un thermomètre qui me permet d’apprécier le degré très bas où s’est effondrée la vieille marine française, naguère la deuxième du monde, et jadis la première : sous Louis XIV et même sous Louis XVI. Aujourd’hui, Washington nous a relégués à notre rang, le cinquième ou le sixième ; avec l’Italie, mais après. Voilà qui est réglé, et ces jeunes gens, qui ont oublié la vieille et verte langue de Surcouf, — de Surcouf qui la tenait de Suffren, de Suffren qui la tenait de Tourville, — ces jeunes gens-là, sans s’en douter, « avalisent » la signature de MM. Briand et Sarraut, par la bouche de qui la France vient d’abdiquer sur mer définitivement.
Mardi 27 décembre, 6 h. 50. — Rochefort. L’express arrive, avec à peine 21 minutes de retard ; c’est très peu, car les chemins de fer français, eux aussi, ont abdiqué.
Il pleut, ici encore. Ma valise à la main, j’ai traversé les voies. Rien de plus primitif, et rien de plus laid que cette pauvre gare de Rochefort. Le train s’est vidé… Un flot de bonnes gens se précipite, et un flot de colis par-dessus, ondoyant sur les épaules. Je reconnais les vieux sacs de toile bise ; mais je ne retrouve plus les grands cols bleus glacés ; les matelots d’aujourd’hui n’ont plus la coquetterie des matelots d’hier ; et, même permissionnaires, on les voit sales et penauds, dans de vieilles vareuses, sans linge… Les gabiers de jadis en seraient morts d’humiliation. Et c’est une abdication encore, toute petite, certes, mais si laide, celle-là !
D’honneur, tout cela s’ajoutant, la tristesse monte en moi, monte si haut, que chaque pas à présent me coûte un effort. Il est grand temps qu’on vienne à mon secours. On vient. Un salut cordial, une main large tendue ; un bon sourire qui élargit une moustache gauloise, mi-blonde, mi-grise :
— Commandant, j’avais peur, vous savez, de ne pas vous reconnaître : je ne vous ai jamais vu… seulement vos portraits…
J’ai serré là main. Je regarde. On se présente.
— Mme Mauberger… c’est moi.
Un bon éclat de rire.
— Vous n’êtes pas le premier à m’avoir pris pour une femme !… « Mme Mauberger » que vous m’avez écrit ; c’est ma