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MA. DERNIÈRE VISITE À PIERRE LOTI



Samedi 24 décembre 1924, 5 heures du soir. — Je travaille à ma table. Coup de sonnette. Une dépêche :

Rochefort-sur-Mer — 233-21-24-14-44. Pouvez-vous me faire amitié venir mardi matin pour assister remise témoignage assemblée Angora ? Loti.

Il y a dix-huit ans, en 1903, à Constantinople, à bord d’un vieux petit croiseur qui s’appelle Vautour, Pierre Loti fut mon commandant. J’étais alors un enseigne de vaisseau comme on en comptait quatre cents sur l’annuaire. Et le commandant Viaud n’aimait pas beaucoup l’enseigne Bargone, dont il se méfiait un peu, lui croyant le cœur sec et l’âme égoïste. Tout de même, le commandant Viaud fut toujours pour l’enseigne Bargone d’une irréprochable justice et d’une délicatesse, d’une bonté extrêmes. Toutes choses qui, par la suite, se changèrent en grande et paternelle affection. Mais cela, c’est une tout autre histoire. L’histoire d’aujourd’hui, c’est que jadis Loti a commandé Farrère et qu’aujourd’hui Farrère va tout de suite obéir à Loti, avec ardeur.

Lundi soir, 26 décembre, 8 h. 26. — La gare Montparnasse. Tant et tant de fois j’ai attendu, sur les quais de cette gare-là, le départ de l’express de Bretagne I C’était aux temps que des croiseurs ou des cuirassés m’attendaient en rade de Brest… C’était même aux temps plus lointains que j’allais m’embarquer sur le Borda, pour y apprendre le métier de la mer, et