nouies. Finies, les charmantes causeries avec les voisins qui nous permettaient de nous raconter mutuellement nos peines et de nous encourager dans les moments de désespoir. Je ne trouve plus l’occasion de lire et de soumettre mes vers à M. L… ou d’écouter la lecture de ceux qu’il avait composés. Je ne vois plus les jolis petits moineaux qui venaient m’appeler lorsque le soleil semait ses rayons d’or sur la fenêtre, je ne les vois plus aller et venir, déployer leurs ailes qu’ils agitaient comme des éventails en produisant un léger bruit, je n’entends plus leur joyeux babillage à l’occasion du partage de mes miettes de pain.
Et toi, soleil, tu as également disparu pour le malheureux prisonnier. Ô soleil, créé par Dieu pour éclairer le monde, glorieux flambeau, régent du jour, toi qui, du haut de ton empire du ciel, lances des rayons étincelants sur tout l’univers, je m’aperçois maintenant combien tu m’étais salutaire, combien tu avais dissipé les nuages sombres qui voilaient mon âme. Oui, nous étions devenus des amis, nous avions fini par nous comprendre ; chaque jour, tu m’apportais des impressions nouvelles. Le grand matin, les rayons timides flânaient sur les murs et lorsque tu approchais du midi, ils venaient se jouer sur ma table, sur mes livres, sur mes papiers ; par moments, tout à la joie, ils me caressaient le visage, et cela avec une délicatesse suprême, afin de ne pas me distraire, de ne pas me tourmenter. Puis, tu me montrais ton gracieux sourire, tu éclairais mon cœur souffrant et accablé, tu réchauffais ma cellule et l’air tiède paraissait me bercer mollement. Ta lumière était un baume bienfaisant pour mon pauvre cerveau endolori. Et quand ton travail universel t’appelait vers d’autres parties de notre hémisphère, tu te retirais lentement pour disparaître à l’Occident et tu semblais me dire : « Ne crains rien, je reviendrai demain, » mais tu n’es pas revenu dans le lugubre 510. Ô puissant soleil, ami de la solitude, je te pleure…
Le canon se fait entendre ; je regarde par la fenêtre et je vois un aéroplane qui glisse dans l’espace et se dirige vers l’Ouest. Les petites fumées produites par l’éclatement des shrapnels se balancent mollement dans l’air et semblent regretter que l’aviateur ne se soit pas arrêté pour lier connaissance avec elles.
Il est cinq heures, et je n’ai pas reçu la visite de ma chère femme ; j’en suis profondément désolé et une amère douleur