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sa paillasse est restée dans ma cellule. Je suis heureux de constater que tout le mande n’est pas logé à la même enseigne que moi[1]

Le soir, pendant que je suis occupé à écrire, un farceur passe dans la galerie, ferme le robinet de mon tuyau à gaz et éteint par ce fait ma lumière. Nom d’un petit bonhomme, je suis furieux, me voilà obligé de faire mon lit dans l’obscurité.

Jeudi, 16 septembre.

Le ciel est gris, ma journée est monotone, je ne trouve rien de particulier à signaler.

Vendredi, 17 septembre.

Un voile gris continue à nous dérober la voûte céleste. Un peu avant neuf heures, le gardien me prévient que je dois changer de cellule. J’irai occuper le numéro 510 qui se trouve au rez-de-chaussée d’une autre aile. Ma nouvelle cellule est réellement triste, elle me fait une impression bien pénible ; on y sent l’humidité et le froid ; en outre, étant exposée au nord, aucun rayon de soleil n’y entre.

À peine installé je passe au préau où l’on vient me prendre pour me conduire à l’instruction. Mon Dieu… mon Dieu… encore ce maudit interrogatoire, il ne cesse de me poursuivre et de me plonger dans des angoisses désespérantes… Je suis mis en face de deux jeunes gens qui déclarent ne pas me connaître. En sortant, M. Henry m’annonce qu’il a du nouveau à m’apprendre dont il me parlera un autre jour. Me voilà plein d’inquiétude, car j’ignore ce qui est suspendu sur ma tête. Je me trouve subitement dans un état misérable… j’ai chaud… une oppression m’envahit ; un peu après 10 heures, je dois retourner au bureau de ces messieurs, où je suis confronté avec M. Van Dievoet au sujet de la réunion des jeunes gens qui eut lieu chez ce dernier et un nouvel interrogatoire recommence… Au cours de celui-ci, le lieutenant me dit : « Vous savez, monsieur Baucq, que le chef de l’espionnage prétend vous connaître ?… » Je soutiens que c’est chose impossible et démontre combien

  1. Neels de Rhode est un mouton et un mouchard à la solde des Allemands, qui fut abattu le 7 janvier 1916 à coups de reolver par le pntriote belge Bril,surnommé « le justicier. » Ce changement de cellule, que Baucq ne comprend pas, est du aux déclarations de Neels qui dénonça les entretiens entre Baucq et ses voisins.