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cations, je l’encourage autant que je puis, tout en étant d’avis qu’il se trouve dans une situation bien pénible.

Enfin, il vient d’apprendre des nouvelles bien tristes. Oh ! pauvre gars !… sa femme l’a dénoncé et il s’explique à présent pourquoi il écrivait en vain. Profondément désolé, il pleure et il voudrait se venger. Je lui promets de l’aider aussitôt que je ne serai plus tenu au secret et que je pourrai lui faire parvenir quelque chose. Il me raconte qu’il a deux enfants, un garçon de douze ans et une fillette de huit ans, et qu’il n’était pas heureux en ménage.

Vendredi, 20 août.

Ce matin, accoudé sur la table, la tête entre les mains, je songeais à vous, mes chères enfants. Tout à coup, j’entendis un gentil moineau qui s’égosillait à lancer de petits cris : posé sur le seuil de la fenêtre, il donnait des coups de bec sur la vitre comme s’il voulait m’appeler. Je me retournai : « Cher monsieur, me dit-il, je viens de traverser à grands coups d’ailes, l’azur du ciel et je vous apporte le plus gracieux bonjour de vos deux chères enfants. Toutes leurs pensées vont vers vous, et tous les jours elles prient le bon Dieu afin que vous soyez remis en liberté le plus tôt possible. Au revoir, cher monsieur, et que le ciel vous tienne en joie. » Puis il se retourna, fit un mouvement de tête et s’envola. Voulant le rappeler et lui donner une réponse, je me redresse et constate que j’étais plongé dans une douce rêverie…

Le camarade Toone est toujours dans la désolation, il ne revient pas du coup que sa femme lui a porté.

Je remets une carte postale adressée à ma chère épouse.

Samedi, 21 août

Il pleut et fait un temps sombre et gris. Chaque matin, je donne deux ou trois poignées de mie de pain aux moineaux qui viennent, nombreux, se nourrir sur le seuil de ma fenêtre. Ils égayent ma solitude et j’éprouve Un charme bien vif à les voir sautiller, becqueter, puis s’envoler après avoir avalé leur petite ration.

Aujourd’hui, nous pouvons aller au préau ; cette fois, je me trouve dans une vraie cage humaine et suis enfermé dans un jardinet dont la partie supérieure est garnie de barreaux de fer.