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Puis, le son devient plus doux, plus frêle, se meurt presque, laissant dominer les voix d’hommes qui, en un chant vraiment sublime, glorifient la bonté, la sainteté de la mère du Christ. L’impression produite est profonde, on éprouve le besoin de se recueillir, de prier… Le silence qui règne dans la prison rend encore plus imposante et plus solennelle cette superbe manifestation religieuse. Pour terminer, de grandes notes vigoureuses et bruyantes s’échappent de l’instrument et le dernier accord s’évanouit lentement en un long decrescendo.

Lundi, 16 août.

On broie du gris là-haut ; le soleil m’oublie… Un militaire allemand accompagné d’un gardien vient inspecter les cellules ; il remarque dans le carreau de la fenêtre un petit trou qui me permettait de regarder les toits ; il donne l’ordre de remplacer ce carreau et supprime par ce fait une de mes distractions. Vers le soir, j’entends pleurer, ce qui me rend nerveux et me met en colère. Ah ! je les exècre, ces hommes qui ont provoqué la guerre, qui ont amené tant de souffrances dans notre pauvre petit pays. Le gardien nous prévient qu’à partir d’aujourd’hui, nous aurons du gaz ; j’allume le bec papillon qui donne peu ou point de lumière : impossible de lire ou d’écrire. Je décide de me mettre au lit, et quand je me trouve dans mes draps, j’entends au-dessus de moi le bruit des pas d’un homme qui marche, ce qu’il fait d’ailleurs toute la journée, et dans la cellule du jeune X… un autre frappe avec furie, sur le mur et parfois crie par la fenêtre : Capiau, Capiau[1] !

Mardi, 17 août.

C’est jour de fête, car je puis envoyer une carte postale à ma chère femme.

Un prisonnier disciplinaire vient remplacer le carreau troué, et le gardien annonce solennellement qu’il y aura inspection. À partir de midi, il est défendu de fumer.

Quand on m’apporte le souper, je demande des nouvelles au sujet de l’inspection précitée, afin de savoir si je puis fumer. Le gardien me répond que c’est fini… et je n’ai rien vu.

Décidément, depuis que je suis en villégiature, il n’y en a


tomi xvi. — 1623.

fi

  1. L’ingénieur Capiau de Wasmes qui faisait lui aussi partie de l’association de Baucq.