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de la publication du Lys dans la vallée. Le docteur Nacquart lui enjoint de prendre quelque repos et Balzac s’en va chercher la paix à Saché, auprès de M. de Margonne. Paix relative, car il continue à travailler seize heures par jour pour se délivrer des deux derniers volumes promis à l’un de ses éditeurs, Mme veuve Béchet. Mais pour composer Illusions perdues [1] Balzac a besoin d’avoir courrier par courrier réponse à diverses questions sur la topographie d’Angoulême [2]. Mme Carraud lui répond aussitôt :


Le 28 juin 1836, à 5 heures du soir.

Carraud m’apporte votre lettre et, pour ne pas perdre un jour, je vous réponds en deux mots.

Le cher homme n’est pas sûr de vous faire un plan exact. Cependant il s’essaye pendant que j’écris. La porte par laquelle nous entrions à Angoulême, et qui fait presque face à la cathédrale, est la porte Saint-Pierre ; la rue qui débouche de ce côté sur la place du Mûrier est la rue de Beaulieu, qui, de l’autre côté, arrive à la belle promenade qui porte ce nom. La rue qui débouche près de la cathédrale et dans laquelle est ce vieux prieuré, grande maison crénelée à la moderne et pour signe seulement de suzeraineté, est la rue du Minage, et mène au Minage. La rue de l’ancienne maison de M. Bergès est la rue Chandos ; mais elle ne commence à porter ce nom que précisément à cette maison-là ; avant, c’est la place Marengo, On descend directement à l’Houmeau par deux portes et par la grande place où se trouve la caserne ; l’une est la porte Chandos [3], que nous prenions toujours, et qui fait suite à la rue du même nom ; l’autre, la porte du Palet, qui passe sous le rempart et est moins fréquentée. Au-dessus de cette porte est une petite place triangulaire et plantée. — Vous me faites peur avec votre travail ! Si vous pouvez passer par Frapesle, ne fût-ce qu’un jour, venez. J’aurai peut-être encore à cette époque une jeune personne que j’attends, artiste jusque dans les cheveux, et qui fera vibrer la plus paresseuse de vos libres. Auguste n’est plus de cette terre quand il l’entend. Il n’est pas encore ici, mais il reviendra dans quelques jours pour se trouver avec l’enchanteresse, qui peint aussi.

  1. Scènes de la vie de province, t. IV.
  2. Correspondance, I, 329-331.
  3. Ici s’intercalait le petit plan du commandant Carraud.