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de cloche indique l’heure du coucher. Pendant la nuit, à diverses reprises, le guichet s’ouvre et un rayon de lumière est projeté dans la cellule, afin de vérifier si l’oiseau ne s’est pas envolé. Deux fois par semaine, les prisonniers peuvent se rendre au préau pendant une heure. Le lundi, on échange les livres, la correspondance ; une carte postale peut être expédiée le mardi et le vendredi ; le dimanche, le réveil est retardé d’une heure, de même que le déjeuner. Il y a une messe à huit heures du matin et un salut à deux heures et demie de relevée, mais je ne puis y assister.

Jeudi, 5 août 1915.

Il y a encore du nouveau… Je suis autorisé à passer au préau. En me dirigeant vers ce dernier, je n’ai pas été peu surpris en voyant toutes les cellules occupées par des détenus politiques, gardés comme moi au secret ; dans un grand nombre de cellules il y a jusque trois occupants. Allons, bravo pour les patriotes, qui n’ont pas hésité à sacrifier leur liberté en se dévouant pour notre chère Patrie !

Le préau est un jardinet, qui a la forme d’un trapèze allongé et approximativement les dimensions suivantes : bases, respectivement 0,85 et 4 mètres, et longueur entre les deux bases 13 m.50. Dans le petit côté, se trouve une porte munie d’un vasistas avec un carreau bleu transparent qui donne accès à la rotonde centrale dans laquelle viennent aboutir tous les préaux : le côté opposé est fermé par une grille en fer. À ces deux côtés sont adossés de petits auvents qui permettent aux prisonniers de se mettre à l’abri quand il pleut. Certains préaux sont entièrement recouverts d’un grillage et servent pour les détenus que l’on soupçonne capables de s’évader. Une petite plate-bande avec des fleurs s’étend entre chacun des deux côtés et un parterre également planté de fleurs est aménagé dans la partie centrale du trapèze. Les préaux sont situés à l’extrémité de la galerie dégageant les cellules. Mes yeux sont éblouis par le jour et j’éprouve une réelle jouissance à pouvoir respirer l’air extérieur. Ce bain d’air me rend souple et beaucoup plus alerte, la sensation que j’éprouve est pareille à celle que l’on ressent en se débarrassant de quelque chose de lourd. Je me promène et parfois me mets à courir autour du parterre, mais une heure est vite passée et le sergent m’appelle pour me faire réintégrer ma cellule.