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parents ne se sont-ils pas trop émus en apprenant la nouvelle de mon emprisonnement ? Quels seront les résultats de la perquisition ? N’y aura-t-il pas des personnes arrêtées chez moi ?… » Autant de questions qui se pressent sur mes lèvres avides de savoir, et qui, durant des heures, roulent dans mon esprit. Par moments, un sanglot s’étrangle dans ma gorge, tandis que de longs soupirs s’échappent de ma bouche, puis, je me sens frissonner à l’idée que l’on aurait pu séparer ma femme des enfants… J’étais défait, l’anxiété altérait mon visage et une sorte de terreur nerveuse me faisait tressaillir, frapper du pied et fourrager dans mes cheveux.

Parfois, tantôt assis, tantôt arpentant ma cellule à grands pas, comme un fauve en cage, je m’entretiens avec ma tristesse ; je désire raconter à quelqu’un tout le malheur dont je suis accablé ; j’aurais voulu entendre quelques mots de consolation me donnant espoir et courage. Et, vers le soir, je finis par m’accroupir sur mon lit ; le front dans les mains, les yeux clos, plongé dans un grand silence, je restais là, accablé par ma douleur, j’entendais mon cœur battre, j’implorais la miséricorde divine.

Le crépuscule vint me surprendre ; lentement l’obscurité envahissait ma cellule, atténuant petit à petit le contour des objets. Bientôt elle fut complète. Au loin, tintait la cloche de l’église annonçant la fin du salut. Dans la galerie, la sentinelle, de son pas régulier, frappait les dalles du pavé.

Il est huit heures, je m’endors.

L’incertitude est le pire des maux, parce qu’elle les imagine tous. Privé de toutes nouvelles et plongé dans l’ignorance la plus absolue relativement à ce qui se passait chez moi, j’avais l’esprit troublé ; je me demandais comment je me tirerais d’affaire pour ne dénoncer personne, quelle serait l’importance, la gravité des accusations portées contre moi et jusqu’à quel point ces accusations seraient confirmées par l’enquête. Cette incertitude m’écrasait et me torturait horriblement. Toutes les questions de la veille passaient et repassaient dans ma pauvre tête et toujours l’inconnu se dressait devant moi, me serrait comme dans un étau et ne me lâchait point ; parfois il me terrassait et je restais là, immobile et pâle, pareil à une statue de marbre ; mes yeux hagards paraissaient chercher quelqu’un à qui j’aurais pu demander quelques éclaircissements au sujet de