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Belge ne se déclare jamais vaincu. Il insiste pour savoir si j’ai des armes et donne des ordres à ses acolytes. Ceux-ci commencent à fouiller la maison ainsi que les paquets de la demoiselle[1]. On me fait monter au palier du premier étage, où je reste gardé à vue. Lorsque nous fûmes tous rassemblés, il me demanda : « Qui a jeté les paquets par la fenêtre ? » Je répondis : « C’est l’enfant ; il est d’ailleurs tout naturel que cette idée lui soit venue. » Un peu tremblante, mais sans hésiter, ma chère Yvonne confirme mes dires : Oui, monsieur, c’est moi, je voulais sauver mon petit père. » À ce moment, l’émotion me saisit, mon cœur palpitait, et ma voix se brisa dans ma gorge lorsque je voulus crier : « Voilà, monsieur, comment se conduisent les enfants des Belges. »

Après cet interrogatoire réellement émouvant, le chef dit aux enfants : « Maintenant, allez vous coucher, » et elles se retirèrent dans la chambre de devant ; ma femme et mes nièces furent enfermées dans la chambre de derrière et la demoiselle dut se rendre dans la chambre contiguë. Les trois hommes qui visitaient les pièces avaient l’air brutal et l’aspect de l’apache ; grands, solides, coiffés de casquettes, des foulards noués autour du cou, ils marchaient le dos un peu courbé ; leurs yeux sondaient les coins et les recoins, impatients de trouver les éléments nécessaires pour faire fusiller un homme : un père de famille… Quant au chef, également coiffé d’une casquette, il portait une chemise souple de couleur avec une cravate et paraissait être un hercule, nerveux, de taille moyenne, bien charpenté, la partie supérieure du torse très large, la tête bien posée sur les épaules ; tout en lui exprimait la force. Il avait une petite barbe pointue sous une lèvre grosse et saillante. Son regard sérieux, dur, méchant, inspirait la crainte. Il me regarda fixement et voulut me contraindre à montrer mon portefeuille. Je fis remarquer que je n’en avais pas. Il insista : « Allons, ne dites pas cela, où est le portefeuille que vous avez si souvent montré chez Oscar ? » N’étant pas satisfait de ma nouvelle réponse négative, il me fouilla une seconde fois et m’obligea à ouvrir mon porte-monnaie : en voyant un billet de banque allemand, il s’exclama : « Quel sale argent, n’est-ce pas ? ».

Un des individus est chargé d’aller à la caserne des carabi-

  1. Mlle Thuliez