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doyants, qui se dressent suppliantes vers le ciel bleu ; au pied de chaque tertre une pancarte sans date porte le nom du héros.

Recueillons-nous et prions !

Philippe Baucq nous apparaît un homme de volonté au front haut surmonté de cheveux en brosse ; ses yeux bleus étaient profonds comme la mer, son visage ovale, coupé d’une fine moustache, s’achevait par une barbiche. Masque viril et volontaire derrière lequel frémissait une âme enthousiaste, ardente, désireuse de se sacrifier ; cœur sensible, débordant de générosité : tel fut Philippe Baucq, enfant de Bruxelles où il vit le jour le 13 mars 1880, d’un père wallon et d’une mère flamande, ce qui explique les deux tendances de son caractère : l’esprit religieux et mystique, une sensibilité d’artiste, l’amour du beau en même temps qu’une énergie indomptable, une maîtrise extraordinaire de soi-même, n’empêchant pas des crises de colère d’autant plus terribles qu’elles étaient intérieures.

Philippe Baucq, qui incarne si bien les caractères des deux races dont l’union fait la Belgique, est un homme d’action, pratique, positif et il travaille d’arrache-pied pour devenir architecte. Il ne fit que cinq années d’études primaires. Obligé de prendre le maillet à l’atelier de son père sculpteur, c’est aux cours du soir qu’il s’instruisit, répétant ses leçons à la pâle clarté d’une bougie de deux sous qu’il achetait chez l’épicier voisin. Sa persévérance est enfin récompensée ; il conquiert son diplôme de géomètre, entre dans les bureaux de deux grands architectes bruxellois et construit sous leur direction l’école de la place de Londres et l’Institut Solvay.

Quelque temps après, il remporte le premier prix au grand concours Godecharle et, encouragé par son succès, il s’établit en 1911 maître architecte à Schaerbeek, faubourg de Bruxelles. S’inspirant de la sobriété des maîtres français, il construit des œuvres d’une merveilleuse souplesse de lignes, entre autres l’hôtel du baron d’Huart, dans l’avenue de Tervueren, et le somptueux château du vicomte G. de Parc à Herzele, en Flandre Orientale.

Baucq n’est pas seulement un artiste de premier plan, son travail et son succès ne suffisent pas à son âme ardente. Il fonde avec quelques-uns de ses amis « l’Association catholique de Linthout, » où il organise des cours d’orientation professionnelle : dessin, peinture, menuiserie, architecture, géométrie,