de grandes routes qui ouvrent ces régions aux curiosités les plus paresseuses. Des touristes iront bâiller, où le cœur me battait si fort de fatigue et d’émotion. J’aurai clos, en juin 1914, la longue série des pèlerins du mystère.
De Tripoli, nous avons regagné Beyrouth par mer, en longeant le rivage. C’était un spectacle sublime. Pendant cinq heures, notre bateau a glissé à quelques cents mètres des montagnes, dont les sommets étincelaient au-dessus de nos têtes. Quelle multitude de motifs ! Des golfes infinis, des champs d’oliviers et de vignes, le sable rouge, les pins parasols, les monastères, les précipices, les villages, les lignes crénelées de rochers, de forêts et de neiges, les nuages, l’azur : je n’avais jamais rêvé cette plénitude de beautés. C’est un Olympe vivant, l’exposition des dieux : j’admire leurs demeures, et je perçois leur présence éternelle.
Devant la mer immense et dangereuse, et dans ce climat consumé de soleil, ces montagnes portent des ombrages et des neiges. Bien plus, à tous leurs étages, elles offrent à la vénération de la terre et de la mer, comme des ostensoirs, leurs chapelles, et sur tous les hauts lieux, elles dirigent nos regards, soulèvent nos pensées vers le ciel. Par une succession de degrés et d’invocations, nous voilà haussés des splendeurs visibles jusqu’au mystère invisible.
Il y a trop longtemps que j’ai vu ce paysage pour que je puisse vous le peindre positivement, mais j’en garde au fond du cœur l’enthousiasme, et je murmure la parole de l’ascète païen qui, venu s’installer au pied du Liban, disait : « Je ne trouve nulle joie à l’existence en dehors de la Syrie, où je promène ma religion de montagne en montagne et de colline en colline, tandis que les gens qui me voient me prennent pour un dément ou un conducteur de chameaux. »
Les dieux du Liban ont été dépassés. Mais les idoles d’un jour qu’avaient intronisés nos appels, nos désirs, nos erreurs et nos pressentiments, étincellent encore au milieu d’une nature qui n’a pas perdu ses puissances d’ivresse. Nous allons sur la mer inchangée, au pied des montagnes qui, sous le soleil éternel, vêtues des mêmes ombres et des mêmes lumières, sont toujours