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Filles de la Charité, que le cardinal de Bérulle qui fonde l’Oratoire, que le Père Joseph qui, dans l’ombre de Richelieu, est un des créateurs des missions françaises. À côté de Corneille, de Pascal, de Racine, de Molière et des autres génies, ils figurent la France elle-même devant les nations. Ce sont des hommes qui rassemblent toutes les forces de leur esprit, toutes leurs pensées, toutes leurs passions, pour obtenir un effet bien déterminé et pour atteindre le but qu’ils ont médité ; des hommes qui savent établir l’unité dans leur être et tout au long de leur activité. La vocation de Jean-Baptiste de la Salle fut de faire la classe aux enfants du peuple. Il a fondé l’enseignement populaire en France. En France et dans tout l’univers.

Les Frères sont arrivés à Tripoli en 1886. Deux mois après l’ouverture de leur première maison, ils n’avaient que dix élèves. Aujourd’hui, ils me montrent deux écoles primaires et un collège d’enseignement primaire supérieur avec cours commercial : environ sept cents élèves. Ces jeunes collégiens qui parlent avec moi dans le meilleur français, des enfants tout à fait plaisants de vivacité et de politesse, sont tellement recherchés par les employeurs que le Frère Supérieur y voit des inconvénients.

— Les commerçants, les banquiers, me dit-il, viennent nous les prendre, avant même qu’ils aient passé leur examens. En vain disons-nous à ces patrons : « Laissez-les nous quelques mois encore ; c’est l’intérêt de ces enfants qu’ils obtiennent leur diplôme. » Rien n’y fait. Les patrons ne veulent pas attendre… De toutes parts, on nous demande d’ouvrir de nouvelles écoles. Mais quoi ! nous n’avons pas de personnel. Vous nous dites d’aller chez les Ismaéliens. Mais ici même, et à Beyrouth, à Latakieh, dans nos collèges existants, les maîtres nous manquent. Ils meurent, et la loi nous empêche de nous recruter en France. Nous allons être obligés de remplacer nos morts par du personnel, étranger. Déjà, ici, nous avons deux frères américains. Cela ne fera qu’empirer fatalement, puisque nous nous agrandissons, que nous ne pouvons plus nous recruter et que nous sommes un ordre international. Et alors, monsieur Barrès, si d’autres nations se substituent à nous dans notre Institut et dans nos collèges, ce n’y sera plus l’esprit français.

Et moi, toujours de répondre :