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rouges, il opposa les organisations blanches d’ouvriers et de paysans. L’effet utile de cette concurrence fut à peu près annulé par la constante partialité que marquait le Gouvernement en faveur des syndicats socialistes. Malgré les réels services rendus pendant les grèves par les cheminots catholiques, ni les bureaux de placement, ni les autres organes de l’Office du Travail ne reconnurent l’égalité des droits entre les organisations blanches et les rouges. En septembre 1920, les délégués des syndicats catholiques furent exclus des tractations engagées sous la direction de M. Giolitti en vue de rétablir l’accord entre les industriels et les ouvriers métallurgistes. L’évolution rapide du parti populaire vers une politique de collaboration avec le parti socialiste acheva de compromettre l’originalité et l’autonomie des organisations blanches.

A leur tour, les fascistes, constitués en « parti de masse, » voulurent développer une action syndicale : ils fondèrent le syndicat national. Leur propagande s’est d’abord exercée parmi les gens de mer et les ouvriers agricoles, puis s’est rapidement étendue à tous les corps de métier. Au mois d’octobre 1922, les organisations fascistes comptaient environ 800 000 adhérents. La plupart étaient des transfuges des ligues rouges et blanches. Un grand nombre d’ouvriers ont passé, en moins de trois ans, du syndicat socialiste au syndicat catholique, puis au syndicat fasciste. On devine que les questions de programme et de doctrine entraient pour peu de chose dans ces conversions successives, qu’explique uniquement la méthode de surenchère employée par les divers organisateurs pour assurer à leurs partis l’avantage du nombre. Et c’est ainsi qu’à Genève, lors de la Conférence internationale du Travail (octobre 1922), la classe ouvrière italienne se présenta, sinon divisée, tout au moins répartie entre trois syndicalismes rivaux.


L’ÉMIGRATION

Au cours de mes enquêtes, j’ai posé bien souvent la question de savoir si le territoire italien, entièrement mis en valeur, d’après les procédés modernes de l’agriculture et de l’industrie, suffirait à faire vivre toute la population qu’il renferme. J’ai obtenu des réponses très discordantes. Dans le Nord, on m’a dit oui, dans le Midi, on m’a dit non. Le commandeur Bartoli.