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— Je vois en lui toutes les grandeurs suprêmes.

— On m’a dit à Paris qu’il aimait les chevaux de course.

— C’est vrai, il a été à Paris. Pourquoi n’aimerait-il pas les chevaux de course ?

— Où est-il aujourd’hui ?

— À Zanzibar, je crois.

— Et pourquoi donc ?

— Les Ismaéliens y sont nombreux. Le vizir de Zanzibar est un Ismaélien qui s’appelle Berdouje Mohammed.

— Il va souvent à Londres ?

— Oui, à Londres. Il reste moins qu’autrefois chez lui, trois mois seulement, et le reste du temps il visite les Ismaéliens à Zanzibar et en Perse.

— Un homme de quel âge ?

— De trente-six à trente-sept ans. (Il fait deux gestes pour marquer une poitrine large et une haute taille.)

— Pourrais-je voir son portrait ?

— Tout le monde le voit. Comment ne pourrait-on pas voir son portrait ? Le Moudir nous a demandé de l’apporter.

L’un d’eux me présente le dieu dans un cadre de bois peint en rose… Diable ! c’est bien lui, c’est mon Aga-Khan, du Ritz. Un personnage posé de face, en pied, impassible et débonnaire, la figure très ronde, très pleine, régulière, avec une forte moustache bien cirée et horizontale, coiffé d’une toque persane, vêtu d’un grand manteau de satin noir, doublé de blanc, que retiennent sur les épaules d’énormes nœuds de rubans avec des pendeloques, et qui porte en sautoir un grand cordon de je ne sais quel ordre, et au cou une large chaîne où pendent de nombreuses décorations. Dans ce personnage hiératisé, je reconnais à n’en pas douter un honorable familier des plaisirs les plus élégants de Paris. Nous le connaissons tous, le dieu. Personnellement, je n’ai pas l’honneur d’être de ses amis. Mais on le croise dans les salons de Paris et sur nos plages d’été. II habite au Ritz. C’est un habitué de Deauville. Ah ! quelque chose m’avertissait. Mais je n’en espérais pas tant ! Voilà une des expériences les plus réussies de mon voyage, et véritablement saisissantes. Interprète, demandez-leur : « Mohammed Shah, c’est bien l’Aga Khan que nous connaissons à Paris, à Deauville, aux courses, dans le Midi…. Non, ne leur dites pas tout cela. Ils m’ont déjà répondu…. » Mes chers amis, causons :