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une bonhomie protectrice. Et moi, tout de suite, de prendre le ton d’un ami :

— Je viens de Masyaf, leur dis-je. Et je suis allé au Kaf honorer le tombeau de Rachid-eddin Sinan.

— À chaque château, me répond le jeune chef, il y a une chapelle pour l’adoration de Rachid-eddin, une chapelle qui s’appelle Mollah. Il y a ici, dans le château, un rocher Rachid-eddin, où l’on allume les lampes à certains jours.

— Qu’était-ce donc exactement que ce Rachid-eddin ?

— Un mahdi, un derviche, il indiquait les choses de la religion.

— Mais à Qadmous, je viens de causer avec l’émir Tamer Ali qui justement m’a dit que Rachid-eddin était un chef politique, mais non un chef religieux.

— L’émir Tamer est d’une famille honorable, mais non de la famille d’Ali.

— Vous êtes beaucoup de votre croyance ?

— Ici (autour de Khawabi), presque sept mille. À Salamié, aussi beaucoup.

— Quelles différences entre vous et les autres Musulmans ?

— Il y a peu de différence. Nous aimons Mohammed et Ali.

— Tout de même, depuis quinze ans, vous ne célébrez plus le Rhamadan, parce qu’à Bombay on vous a dit de le cesser. (Ils se taisent.) Et au lieu de déclarer « au nom de Dieu, » vous déclarez « Dieu (en vous frappant à gauche), Ali (à droite), Mohammed Shah (au milieu). »

— Tu sais très bien nos questions.

— C’est que vous êtes très illustres. Nous nous intéressons beaucoup à votre histoire en Europe. Nous vous appelons les hashâshins, les fumeurs d’opium.

— Maintenant nous ne fumons ni l’opium, ni le tabac ; pas de narghileh, pas de cigares.

Et tous de rire.

— Mais vous ne priez pas comme les autres Musulmans.

— Notre prière est une voie différente. Chacun a son chemin.

— Nous avons appris comment vous priez. Dans une chambre, avec le portrait de Mohammed Shah.

Ici, mû par un premier succès, emporté par une trop ardente espérance, je fais une tentative et une sorte de raid vers des territoires que nous n’avons pas encore abordés.