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dans ces villages-ci et autour de Qadmous, environ dans vingt villages. Et voici qu’une année le cheikh Ahmed Alleigh et deux autres sont allés, comme de coutume, aux Indes, et le Propriétaire du Temps était mort. Comme ils revenaient, tous trois bien désemparés, ils se sont rencontrés avec des croyants qui leur ont dit : « Vous vous êtes trompés en apportant l’argent à Celui d’Hyderabad, car s’il était lui-même le Propriétaire du Temps, il devrait avoir un fils. C’est Hasan Ali qui est le Propriétaire du Temps et il habite Bombay… » Alors l’argent qu’ils devaient donner au mort, ils l’ont donné à Hasan Ali. Et depuis ils continuent. Mohammed Shah est le petit-fils de cet Hasan Ali. Seulement aujourd’hui, Mohammed Shah ramasse davantage, il prend un cinquième.

— C’est prodigieux ! Comment ces pauvres gens se dépouillent-ils ainsi ?

— Tous les Musulmans s’en moquent.

— Ils sont pauvres ?

— Par rapport à leurs voisins, les Nosseïris, ils sont riches. Ils ont des terres avec des arbres.

— C’est chaque année ?

— Chaque année. On envoie une caisse cachetée de plusieurs sceaux, en marquant bien le nom de chaque personne avec sa cotisation, en même temps le nom de ceux qui ont refusé de payer, pour qu’ils soient rayés.

— Comment, rayés ?

— Celui qui ne paierait pas serait rejeté partout. On ne lui permet pas de se marier. On ne parle pas avec lui.

— Et qui ramasse cet argent ?

— Quelqu’un qui garde le cinquième du cinquième ramassé, et à qui Mohammed Shah fait des appointements fixes que j’ignore.

— Quand on fait un pareil sacrifice, c’est pour obtenir quelque chose. Quel réconfort moral leur donne cette religion ?

— Celui qui paye de l’argent, lorsqu’il meurt, ne devient pas une bête, il demeurera humain toujours.

— Croient-ils à une vie future, à un paradis ?

— Non, le mort, s’il a bien fidèlement payé à Mohammed Shah, redeviendra de nouveau un homme.

— C’est comme les Druses.

— Pas tout à fait. Les Ismaéliens reconnaissent le Propriétaire