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a des arbres et de l’eau très claire, et nous commençons à gravir des collines assez raides, pour parvenir à un vaste plateau où le terrain, de calcaire devient volcanique, sans cesser d’être pierreux. Nous suivons ses ondulations accidentées. Rien que le bruit des pas de nos chevaux à la file. L’insolation nous menace, mais que cette vie animale est belle ! Je me fais toute une morale, à part moi, pour m’inciter à mépriser ma fatigue et à jouir de ces minutes paisibles. Quand Mahomet fit son voyage de Syrie, deux anges lui formaient un abri de leurs ailes contre l’ardeur du soleil. La jeune Khadidjah en ayant été informée, offrit sa main à Mahomet. Ni les anges, ni la jeune Khadidjah ne m’apporteront leurs faveurs.

Une heure et demie après avoir quitté la rivière, nous arrivons au village grec orthodoxe d’El-Sanda. Tandis que les paysans nous apportent du sirop de mûres, les mulets se roulent à terre et s’attirent une bastonnade générale.

Maintenant, par une série de lacets, dans les terrains volcaniques et dans un véritable petit bois, on descend une très forte pente, pour arriver, dans le fond de la vallée, à un ruisseau. Là, notre guide indécis s’arrête. Il ne sait plus sa direction. Une paysanne providentielle surgit, qui vient puiser de l’eau. Mais la menteuse, la prudente, la sotte, n’a jamais entendu parler de Khawabi ! Autre providence : soudain apparaît une escouade de jeunes cavaliers. À leur tête, le fils du moudir de Khawabi. Ce moudir se nomme Achmed Bey al-Mahmoud, et son fils, Abdel-Khader. Ils viennent d’être prévenus par nos conducteurs de bagages qui, eux, sont déjà arrivés, et ils accourent à notre rencontre.

Il est six heures du soir ; ces jeunes gens font une charmante fantasia dans le lit de la rivière, et je les applaudis, tout en me disant in petto que je ne leur cède pas en fantaisie, moi qui viens, par cette chaleur, admirer ici leur équitation !

Et tous ensemble de repartir. Nous chevauchons dans le ruisseau même, et rejoignons ainsi le lit desséché d’un torrent, que nous remontons, puis un petit sentier périlleux. Soudain, dans le ciel, par une échancrure de vallée, entre les montagnes farouches, apparaît Khawabi. Des constructions sur un rocher, entouré lui-même, de quatre côtés, par quatre montagnes qui le surplombent de quatre à cinq cents mètres. Quelle beauté, cette dure solitude guerrière ! Le long du mince sentier serpentant à