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visiter des ruines ; j’y voudrais grouper les derniers Ismaéliens, et pénétrer dans leur cercle magique pour Ressusciter avec eux le passé.

Et pourtant, là-haut, — une fois dépassé le premier village, Boustan-el-Naddehar, puis le village même de Marqab, installé sur la croupe d’accès du château, une fois gravi le piton abrupt, à pic au-dessus de la mer, — là-haut, quel superbe développement de monastères, d’arceaux et de tours ruinées ! Des vieilles pierres d’un ton orangé, brûlées de soleil, où gite tout un peuple de Nosseîris. En bas, la vaste mer immobile de Syrie, et des rivages où jouent la lumière et les ombres. Un des plus beaux abîmes du monde sur l’Hermon, le Liban et la vallée du Jourdain.

Dans ce haut ciel, à travers les restes du château, et près de la chapelle transformée en mosquée, nous assistons à une petite scène de fauconnerie. Mais voilà des choses qu’à cette heure, des centaines de Français ont vues et décrites à leurs amis. Passons… Le pèlerin Vilbrand d’Oldenbourg s’est enthousiasmé ici au début du XIIIe siècle : « … Nous montâmes à Marqab, château vaste et bien fortifié, possédant double enceinte, muni de nombreuses tours qui semblent plutôt faites pour soutenir le ciel que pour augmenter la défense, car la montagne que domine le château est extrêmement élevée et semble, comme Atlas, soutenir le firmament. Ses pentes sont bien cultivées, et chaque année la récolte forme plus de cinq charges. Ce château appartient aux Hospitaliers et forme la principale défense du pays. Il tient en échec le Vieux de la Montagne… »

On remarque avec plaisir cette note sur la bonne culture de ces pays, aujourd’hui si chétivement exploités. Généreuse activité de nos Français de toujours, soldats, moines et agriculteurs !

Un jour cependant, les Chevaliers de l’Hôpital ne reçurent plus assez de recrues de France. (Je pense à nos congrégations aujourd’hui.) Ils durent céder à la force, capituler devant le nombre. M. Rey, le savant historien de l’architecture militaire des croisés, cite la lettre émerveillée du Soudan de Hama après cette victoire : « Le diable lui-même avait pris plaisir à consolider sa bâtisse. Combien de fois les Musulmans avaient essayé de parvenir à ces tours et étaient tombés dans les précipices ! Marqab est comme une ville unique, placée en observation au haut d’un rocher ; elle est accessible aux secours et inaccessible aux attaques. L’aigle et le vautour seuls peuvent voler à ses