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l’année 1920, un gain total de 32 225 lire ; elle en a dépensé 28 046, 20, et voici le détail de cette dépense, tel que la établi et certifié le chef de famille :


Loyer (3 chambres) lire 440
Pain, paies, riz 1 348, 80
Lard, beurre, huile, etc 1 300
Viande (en moyenne 3 kg par jour) 9 855
Sucre, café, lait 1 302, 40
Légumes 1 000
Vin 3 000
Bois de chauffage 600
Gaz 1 500
Vêtements 6 000
Tramways 450
Linge, blanchissage, etc 1 250
Total : lire 28 046, 20

L’excédent est destiné aux dépenses imprévues, maladie, chômage, etc. Ainsi une famille d’ouvriers, qui dispose d’un revenu de plus de 30 000 lire, vit dans trois pièces dont probablement une cuisine ; mais elle mange en moyenne trois kilogrammes de viande par jour et boit pour 3 000 lire de vin. Dans ces 28 000 lire de dépenses, on ne trouve pas un sou pour un livre ou pour un journal. D’économies, d’argent placé ou mis en réserve, il n’en est point question. L’ignorance, le goût do la jouissance grossière et immédiate, l’absence d’autres goûts plus relevés, autant de circonstances qui peuvent expliquer l’emploi que cet ouvrier et sa famille font du fruit de leur travail. Mais je crois qu’elles ne l’expliquent pas entièrement. Il faut encore tenir compte de la singulière propagande, par laquelle, en Italie, les agitateurs socialistes incitent l’ouvrier à dépenser tout ce qu’il gagne et lui font du gaspillage un devoir.

Dans cette même ville de Milan, en décembre 1921, j’ai entendu un secrétaire de syndicat tenir à une assemblée populaire le discours suivant : « La crise économique, disait-il à peu près, voulez-vous savoir en quoi elle consiste ? Je vais vous l’apprendre, La bourgeoisie garde ses richesses par précaution ou les dissimule par peur ; elle ne consomme plus. Consommation réduite, donc production diminuée, travail arrêté. Mais vous avez le moyen de déjouer le calcul de vos adversaires. A